RECO' MINUTE: ESCALIER C

La recommandation de la semaine se penche sur un film sorti en 1985, situé au milieu des années 80. Cette période est marquée par l'arrivée au pouvoir des socialistes, menés par François Mitterrand, qui restera en fonction jusqu'en 1995. Cette nouvelle ère politique a vu des milliards de subventions être attribuées aux musiques urbaines, dans un effort de promotion de la diversité culturelle. À cette époque, fréquenter les médias comme Libération et écouter Radio Nova faisait partie du paysage intellectuel.

Le film décrit le petit microcosme d'un immeuble parisien où les interactions sont constantes, rappelant une fête des voisins permanente. La distribution du film est particulièrement remarquable, réunissant des talents reconnus tels que Jacques Weber, Jean-Pierre Baccari, Catherine Frot, Michel Aumont dans le rôle du pochon philosophique, et Gilles Gaston-Dreyfus dans celui de l'inoubliable Maître Morissard. Jacques Bonnaffé y interprète également un styliste homosexuel torturé. Il est intéressant de noter que le style vestimentaire de l'époque, évoquant des créateurs comme Asdine Alaya, est également présent.

Le personnage principal, Forster Lafond, interprété par Robin Renucci, est dépeint comme un critique d'art renommé, branché, séducteur, mais également cynique et méchant. Son attitude rappelle certaines figures publiques de l'époque, évoquant des personnalités comme Jack Lang ou même Mitterrand dans leur facette médiatique. L'auteur mentionne que l'on retrouve dans ce personnage des influences stylistiques et comportementales de l'époque, y compris des références à des créateurs de mode. Ce comportement acerbe est d'ailleurs mis en parallèle avec la controverse vestimentaire entourant Jack Lang et son costume Mugler.

Tu sais Suzie, j'aime j'aime la beauté, j'aime l'intelligence. Tu en fais pas partie.

Le ton employé par Forster Lafond est systématiquement cinglant, illustrant la dureté des relations interpersonnelles dépeintes dans le film. Lorsqu'il est confronté à des sujets sensibles comme l'éducation ou la maternité, ses réponses sont brutales et dénuées d'empathie, comme en témoigne sa remarque lapidaire sur l'éducation d'un enfant. Il semble que, pour être crédible en tant que critique à cette période, la méchanceté était une composante essentielle du personnage public.

Forster fréquente ce microcosme de l'escalier C, mais ignore et méprise une vieille dame, Madame Bernard. Cet événement tragique survient lorsqu'il retrouve cette voisine pendue dans le couloir. Bien que l'information soit révélée tôt, elle sert de catalyseur à la transformation du personnage. Le film est décrit comme étant introuvable, ce qui limite l'accès du spectateur à cette œuvre.

Cet événement bouleverse Forster Lafond. Il s'introduit dans l'appartement de Madame Bernard et lit son journal intime, où elle notait quotidiennement ses pensées. La lecture révèle que le jour de son suicide, elle exprimait simplement une envie désespérée de parler à quelqu'un. Cette simple phrase, « J'ai pleuré pendant 3h cet après-midi. Je suis sorti, je n'avais besoin de rien, mais je voulais parler à quelqu'un », frappe Forster de plein fouet, le confrontant à sa propre indifférence passée.

C'est facile d'être méchant. Tu vas avoir l'air de quelqu'un d'extraordinaire.

La prise de conscience est violente. Forster réalise qu'il aurait pu intervenir, même de manière indirecte, en engageant une conversation anodine avec elle, par exemple chez la boulangère. Le temps de parole, même pour des banalités, aurait pu faire une différence significative dans la vie de cette femme isolée. Cette introspection marque la fin de son ère de méchanceté autoproclamée.

Suite à cette révélation, Forster se rend au père de la défunte, joué par le délicieux Claude Rich, qui est diplomate et soutient financièrement son fils. Forster récupère les cendres de Madame Bernard avec l'intention de les disperser sur la terre d'Israël, accomplissant ainsi son dernier souhait exprimé dans son journal. L'aide de son père diplomate permet de faire transiter l'urne via une valise diplomatique, facilitant le voyage.

Ce voyage marque la rédemption du personnage. Forster Lafond devient un humain bienveillant, épanoui, réalisant une véritable transformation personnelle. Bien que la critique considère ce film comme une fausse recommandation en tant que divertissement pur, la préconisation finale est essentielle. Il est conseillé d'adopter un geste simple : dire bonjour et offrir un petit sourire aux personnes âgées que l'on croise et qui semblent seules. Ce petit geste ne coûte rien à l'individu, mais il peut potentiellement sauver la journée de la personne isolée.

La vie est courte, et l'on peut se réveiller un matin en étant soi-même devenu un Madame Bernard, isolé et non vu, si l'on ne cultive pas la bienveillance.