Valuable insights
1.L'habitabilité est l'enjeu fondamental du monde.: L'habitabilité définit les conditions de possibilité de la vie et donne aux habitants l'envie de prolonger leur existence. Elle constitue le point fragile de toute planification future, car les conditions de vie risquent de se durcir considérablement.
2.Le biais de projection fausse l'imaginaire futur.: Lors de l'imagination de l'avenir, les individus ne s'incluent pas, se projetant comme éternellement jeunes. Ce biais conduit à considérer que les conditions environnementales actuelles demeureront stables, ignorant la rudesse potentielle des années à venir.
3.Le monde est un espace co-construit, non un donné.: L'idée que le monde est un acquis fixe est une erreur. Il résulte d'une construction sur des millions d'années par la vie elle-même, et peut disparaître rapidement si les conditions avantageuses ne sont pas maintenues.
4.L'erreur épistémologique menace l'environnement.: Des penseurs comme Bateson et Atari soulignent que les problèmes environnementaux proviennent d'une erreur dans la manière de penser l'interface avec le monde. Il est nécessaire d'apprendre à penser correctement l'environnement.
5.La ville produit la subjectivité moderne.: La production de la subjectivité, c'est-à-dire la manière dont l'humain se construit, est désormais largement assurée par la ville. Celle-ci dicte les codes relationnels et la conception de l'environnement, y compris les non-humains.
6.La sociologie de l'imaginaire analyse les images collectives.: Ce champ d'étude, initié par Gaston Bachelard et développé par Gilbert Durand, vise à comprendre la société non par ses institutions, mais par les grandes images et relations d'images qui structurent la pensée quotidienne de l'Homo sapiens.
7.Se défaire de l'imaginaire demande un effort critique.: L'imaginaire est une nappe phréatique collective dont on ne fait pas partie, mais qui nous façonne. Il faut acquérir des outils pour exercer un regard critique sur sa propre culture et ses évidences héritées.
8.La connaissance profonde génère le soin et l'attachement.: L'information froide diffère de la connaissance incarnée. L'enjeu est de renouer avec le monde pour le connaître intimement, car la connaissance emporte le soin, rendant difficile de laisser périr ce à quoi l'on est lié.
L'Enjeu Crucial de l'Habitabilité du Monde
L'enjeu central identifié est celui de l'habitabilité du monde. Cette notion englobe la manière dont l'environnement offre les conditions nécessaires au développement de la vie, tout en suscitant chez ses habitants l'envie de prolonger leur existence. L'habitabilité représente le point de fragilité de toute vision prospective, car deux pièges majeurs menacent cette capacité du monde à nous accueillir : le biais de projection et la considération du monde comme un acquis immuable. Si les conditions de vie deviennent trop rudes, qu'elles soient climatiques ou sociales, la capacité d'agir et de planifier l'avenir se trouve considérablement compromise.
Le piège de la projection et de l'éternelle jeunesse
Le premier piège réside dans le biais de projection lors de l'imagination de l'avenir. Les scénarios envisagés se concentrent sur les innovations technologiques ou les changements environnementaux, mais omettent la transformation de soi-même. L'individu s'imagine éternellement jeune dans le futur, ignorant les réalités physiques comme le vieillissement ou la maladie. Ce biais conduit à présumer que les conditions d'habitabilité actuelles persisteront, alors que les risques environnementaux et sociaux rendent ces conditions futures potentiellement bien plus rudes, rendant tout propos écologique plus difficile à tenir.
Le monde n'est pas donné et la véraison.
Le monde comme construction partagée et non comme don
Le second problème est la perception du monde comme une donnée stable, peu susceptible de changer significativement. Le philosophe argentin Macedonio Fernandez rappelle que le monde est un ensemble de conditions avantageuses que les espèces ont construit au fil des millions d'années. Considérer que ce monde nous est simplement prêté est une forme d'écologie naïve, car cela implique qu'il puisse être repris. Il s'agit en réalité d'un monde co-construit qui tient à peu de choses et qui peut disparaître. Les périls environnementaux et sociaux visibles sont la manifestation d'un problème sous-jacent : rendre le monde inhabitable à ceux qui doivent y vivre.
L'Erreur Épistémologique et la Nécessité d'une Écologie Mentale
La question de savoir si le monde devient plus inhabitable invite à nuancer les indicateurs objectifs. Si les statistiques de richesse et d'éducation montrent une amélioration, une idée selon laquelle les conditions sont plus rudes persiste psychologiquement. La question fondamentale posée par Bateson et d'autres est : pourquoi une espèce mettrait-elle en péril les conditions de sa propre survie ? La réponse réside dans une erreur de pensée, une erreur épistémologique : l'interface entre la pensée humaine et le monde est défectueuse. Il est donc impératif de développer une écologie mentale.
- Considérer l'humain comme un individu indivisible, séparé de la Nature (l'environnement).
- Jeter un déchet dans l'environnement parce que l'on n'est pas l'environnement.
- Penser dans la continuité systémique où jeter un mégot revient à se nuire à soi-même.
La production de la subjectivité dans la modernité
Pour modifier cette compréhension de l'environnement, il faut se détacher du legs de la modernité concernant la production de la subjectivité. Les philosophes des années 1990 indiquent que la ville est devenue l'agent principal qui enseigne les codes, construit les relations humaines et définit ce qu'est un fleuve, un mur, ou un besoin. La ville produit ainsi le destin de l'humanité. Les idées qui nous ont colonisés sont datées et doivent être délaissées pour en construire de nouvelles permettant une interaction différente avec l'environnement et l'altérité.
Les Études sur l'Imaginaire : Bachelard et Durand
Les études sur l'imaginaire constituent un champ de recherche en sciences humaines, trouvant ses origines en France avec Gaston Bachelard au début du XXe siècle. Bachelard est connu pour son travail sur la philosophie de la science et les obstacles épistémologiques, mais aussi pour ses travaux sur l'imaginaire, explorant des thèmes comme l'eau, l'air, le feu et la terre. Il comprenait que la production de la connaissance scientifique est tributaire d'un imaginaire de fond.
L'apport de Gilbert Durand à l'anthropologie de l'imaginaire
L'étudiant de Bachelard, Gilbert Durand, anthropologue, a fondé une anthropologie de l'imaginaire après son expérience en captivité durant la Seconde Guerre mondiale. Il démontre que la structure de notre imaginaire est constituée de similarités et de dissemblances, tout comme la constitution de nos corps. Lorsqu'une image naturelle évoque une idée personnelle (un arbre évoquant le père), cela produit ce que Durand nomme la positivité du symbole. L'imaginaire est défini comme l'ensemble des images et de leurs relations qui constituent le capital pensé de l'Homo sapiens, étant en amont de la pensée rationnelle.
L'Imaginaire dans la Société et la Subjectivité
La sociologie de l'imaginaire, telle que développée par Michel Maffesoli, cherche à saisir la société à travers les grandes images qu'elle mobilise dans la vie quotidienne. Le fait d'être mû par un imaginaire plutôt que de le construire est souvent perçu comme humiliant. L'idéologie républicaine traditionnelle met en avant l'individu libre, maître de lui-même, capable de maîtriser sa nature inconsciente. Cependant, les découvertes du XXe siècle sur l'inconscient (Freud, Jung) montrent que l'individu joue dans un pré carré défini par son espèce et son époque.
Les limites de l'idéologie individualiste moderne
L'idéologie de l'individu, héritée des Lumières, isole le sujet de son environnement, le maintenant dans une construction identitaire qui lui permet d'agir sur le monde comme un objet. Il est plus exact de dire « on me pense » plutôt que « je pense », car l'individu est tributaire de ce qui l'entoure. Cette vision produit des sujets ayant des difficultés à saisir les interdépendances qui les lient au monde, car elle maintient une clôture par rapport à l'extérieur. Cette modernité produit des subjectivités défaillantes face à la nécessité de prendre soin du monde.
Deux Pistes pour se Libérer de l'Emprise Imaginaire
La question de la libération de l'imaginaire est complexe, car celui-ci est une ressource collective dont on puise, et non quelque chose que l'on fabrique. Il est nécessaire d'être très modeste face à sa puissance. Deux pistes principales sont proposées pour tenter de décoloniser l'esprit et de prendre du recul par rapport aux pièges culturels.
La première piste, inspirée par Lévi-Strauss, consiste à faire un pas de côté par rapport à sa propre culture. Les anthropologues, en observant des tribus lointaines, réalisaient qu'ils faisaient en réalité une anthropologie de la France. Il s'agit de considérer les certitudes culturelles non comme des acquis, mais comme des points de départ à questionner. La seconde piste, inspirée par Jung, suggère que le but de l'existence est d'augmenter la part individuelle en puisant dans le collectif. Reconnaître ce qui appartient à tous permet de se déprendre de l'égoïsme et de se sentir plus vaste, plus humain.
Fécondité des Imaginaires : Séparation ou Continuité
Il est essentiel de déterminer quel imaginaire est le plus fécond pour rendre le monde habitable : celui de la séparation entre l'homme et la nature, ou celui de l'absorption et de la continuité entre les êtres et leur environnement. L'imaginaire de la séparation, qui place l'homme au-dessus d'une pyramide, produit ce que des penseurs appellent le grand partage, une scission des entités. Bien que cet imaginaire ait fonctionné, ses conséquences agissent à terme au détriment de notre capacité à habiter le monde.
L'efficacité relative des systèmes de pensée
Tous les systèmes de pensée, même ceux basés sur des erreurs, peuvent fonctionner temporairement. Cependant, les approximations et les corruptions s'accumulent jusqu'à devenir ingérables. L'objectif n'est donc pas de trouver l'imaginaire le plus « vrai », mais celui qui sert au mieux l'intérêt de la survie du système complexe de vie environnant. Il ne s'agit pas d'emprunter des briques imaginaires à d'autres cultures, mais de reconfigurer en interne les récits collectifs pour composer avec les briques actuelles et éviter la destruction du monde.
De l'Information à la Connaissance Engagée
La synthèse de cette réflexion repose sur le principe que l'on ne s'occupe pas bien de ce que l'on ne connaît pas bien. L'information et le savoir sont froids et distants, stockés dans un dépôt. La connaissance, au contraire, est attachante et engageante, comme l'amour ou le deuil qui transforment l'individu. L'enjeu contemporain concernant l'habitabilité du monde est de redonner les moyens de connaître au sens profond, de créer un attachement véritable avec le milieu environnant.
- Le Savoir est froid, distant, et reste dans un dépôt (ex: coordonnées GPS de Rome).
- La Connaissance est attachante, elle implique une transformation de soi (ex: avoir connu l'amour ou le deuil).
- La Connaissance emporte le soin : une fois lié à une chose, il devient difficile de la laisser périr.
Une fois que l'on participe intimement au monde, il ne s'agit plus seulement de le sauver, mais de comprendre comment améliorer ses conditions d'existence, ainsi que les nôtres. Si ce lien de participation est établi, la majorité du travail pour l'habitabilité sera accomplie. Il est crucial d'appliquer cette perspective aux institutions massives de transformation sociétale, notamment les entreprises, pour construire des liens responsables entre leurs innovations et le monde.
Lectures Actuelles et Réflexions Finales
La question des lectures actuelles est délicate, car les ouvrages évoluent rapidement. Actuellement, plusieurs lectures orientées vers l'écologie de l'esprit et le rapport à l'altérité sont en cours. Ces ouvrages proposent des manières concrètes de faire des pas de côté par rapport à la culture dominante et de reconsidérer la place de l'humain face aux autres espèces.
- Lentement du monde de Gilles Barthes (sur la santé animale).
- Manifeste pour une écologie de la différence de Stéphanie Shine.
- Habiter en oiseaux de Vinciane Despret (sur la territorialité).
L'importance de l'attachement et de l'humanité
Au-delà des essais contemporains, la biographie de Saint François d'Assise, écrite par Jacky et Jeff Burton, est citée comme particulièrement touchante, décrivant un homme qui n'a jamais connu le mépris. Cependant, la véritable réponse réside dans la capacité à reconsidérer les liens d'attachement et la modestie. La lecture de l'Odyssée, spécifiquement la complainte de Pénélope apprenant la mort de Télémaque, est présentée comme une preuve absolue d'humanité, permettant de reconsidérer les liens de soin et l'humilité nécessaire à l'action.
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