L’Ile au cinéma - Blow Up - ARTE

La rencontre avec le cinéaste Ismaël lors du Festival de Cannes, dont le film mettait en scène un artiste reclus sur l'île de Noirmoutier, sert de point de départ à une exploration du motif insulaire au cinéma. Les îles constituent un décor cinématographique vaste et diversifié. On les trouve dans la Méditerranée, comme Capri dans *Le Mépris* ou Ibiza dans *Mortelle*, mais aussi en Bretagne, au Royaume-Uni dans *Breaking the Waves*, en Suède dans *Le Sacrifice*, en Russie dans *L'Île*, aux Canaries dans *Évolution*, au Japon dans *L'Île nue*, ou encore en Polynésie avec le récent *Bana*.

L'évidence s'impose : l'île est souvent perçue comme une utopie, un paradis terrestre presque vierge, tel que dépeint dans *Les Révoltés du Bounty* avec Marlon Brando, au milieu d'un environnement luxuriant. Cette illusion est également au cœur de *The Island* de Michael Bay, où un jeu concours enferme Ewan McGregor et ses collègues dans un monde souterrain étrange. Cependant, cette utopie, comme cela arrive fréquemment, a tôt fait de se transformer en cauchemar pour ses occupants.

La situation la plus fréquente pour les personnages se retrouvant sur une île est celle du naufrage, invoquant le mythe de Robinson Crusoé cher à Daniel Defoe, adapté maintes fois, notamment par Louis Buñuel. Plus tard, des acteurs comme Pierce Brosnan dans *L'Île Mystérieuse* ou Tom Hanks dans *Seul au monde* se retrouvent échoués, devant apprendre les rudiments de la survie : se nourrir, faire du feu et construire un radeau.

Les îles désertes s'avèrent rarement totalement inhabitées. La cohabitation forcée est un thème récurrent, parfois avec des figures religieuses, comme Robert Mitchum naufragé avec la nonne Deborah Kerr dans *Dieu seul le sait*. D'autres scénarios présentent des confrontations plus conflictuelles, à l'image de l'officier américain face à l'officier japonais Toshiro Mifune dans *Duel dans le Pacifique*. Une autre cohabitation forcée, moins belliqueuse, oppose Harrison Ford à Anne Heche dans *Six Jours, Sept Nuits*.

Au-delà de la survie, l'île sert souvent de théâtre à des rencontres avec des personnages récurrents, tels que des pirates, comme dans le roman *L'Île au trésor* de Robert Stevenson. Elle est également l'endroit privilégié pour le scientifique excentrique, à l'image du Docteur Moreau d'H.G. Wells, dont les créatures hybrides ont été incarnées par Burt Lancaster dans les années 70 ou Marlon Brando dans les années 90. Cette île devient un lieu d'expérimentation, rappelant l'île de *Jurassic Park* au large du Costa Rica, où des dinosaures recréés par Richard Attenborough prospèrent.

L'isolement insulaire permet la découverte d'étranges micro-sociétés quasi secrètes. Werner Herzog explore cette thématique avec *Les Nains aussi ont commencé petits*, un asile peuplé exclusivement de nains. Peter Brook adapte ensuite *Sa Majesté des mouches* de William Golding, dépeignant une micro-société improvisée par des enfants naufragés. L'île dictature est représentée par Goto, imaginé par Valérian Borovzik, avec son enseignement basique centré sur son propre portrait. Enfin, l'île secte de Christopher Lee dans le très anxiogène *The Wicker Man* illustre une forme de fanatisme isolé, sans oublier l'île secrète de *Miss Peregrine et ses enfants particuliers*.

Dis-moi qui est représenté sur ce portrait ? Son altère Goto, gouverneur de l'île de Goau.

Dans un registre opposé à l'expérimentation, l'île est aussi un lieu de retraite et de calme, idéal pour échapper au bruit du monde. Le peintre Max von Sydow cherche l'inspiration dans le calme de l'île dans *L'Heure du Loup*. De même, l'écrivain incarné par Ewan McGregor dans *The Ghost Writer* a besoin de sérénité pour rédiger les mémoires soporifiques du Premier ministre Pierce Brosnan.

L'île est fréquemment une prison au sens propre. Le Château d'If enferme le Comte de Monte-Cristo, ici interprété par Louis Jourdan dans le film de Claude Autant-Lara. C'est aussi le cas d'Alcatraz dans *The Rock*, où Burt Lancaster est détenu, ou de Sainte-Hélène, où Napoléon fut consigné, incarné par Philippe Torreton dans *Monsieur N*. Steve McQueen passe de très nombreuses années dans la prison de l'Île du Diable dans *Papillon*.

Le huis clos insulaire est le décor parfait pour les récits de suspense. On retrouve cette structure dans *Dix Petits Indiens* version René Clair, où les habitants disparaissent les uns après les autres, ou dans *L'Île de l'épouvante* de Mario Bava, reprenant un canevas anxiogène rempli de mystères. Dans *L'Île des morts* de Mark Robson, Boris Karloff rejoint un lieu chargé de secrets.

Une particularité de ces fictions anxiogènes est l'île servant de théâtre à de redoutables chasses à l'homme. C'est le cas pour les deux malheureux invités du Comte Zarov dans *Les Chasses du Comte Zarov*. Les lycéens de *Battle Royale* sont contraints de s'entretuer pour survivre, tout comme les jeunes délinquants de *Wilderness* forcés de suivre un programme de redressement extrême.

Pour terminer sur une note plus joyeuse, l'île sert de refuge pour les amours. Les deux adolescents de *Moonrise Kingdom* s'y réfugient pour vivre leur premier amour à l'abri des regards. Naomi Kawase dépeint des amoureux insulaires se découvrant sur la plage et sous l'eau dans *Still the Water*. Le classique absolu reste *Le Lagon bleu*, où deux naufragés découvrent beaucoup de choses en plan très serré, scène parodiée avec réjouissance par Jim Abraham et les frères Zucker dans *Top Secret !*.

Si l'on ajoute les batailles historiques comme la bataille de Guadalcanal filmée par Terence Malick dans *La Ligne Rouge*, ou Iwo Jima racontée par Clint Eastwood dans *Lettres d'Iwo Jima*, le spectre des îles s'élargit. On trouve également des relations étranges nouées sur des îles volcaniques éoliennes, comme celle entre Catherine Deneuve et l'ermite Marcello Mastroianni dans *Lisa et le Diable*, ou entre Deneuve et Yves Montand dans *Le Sauvage*. Ingrid Bergman explore Stromboli, avant Monica Vitti dans *L'Avventura* et Nanni Moretti dans *Journal Intime*.

L'ensemble de ces exemples inspire un classement subjectif des meilleurs films d'île de l'histoire du cinéma. La cinquième place est attribuée à une île imaginaire : Skull Island dans la version de *King Kong* par Schoedsack et Cooper, un lieu rythmé par d'impressionnants hurlements, marquant l'enfance de nombreux spectateurs.

La quatrième place revient à un film plus calme, *La Tortue Rouge* de Michaël Dudok de Wit, produit par les studios Ghibli. Ce naufragé prend du recul, apprend à survivre, déprime, construit un radeau, mais réalise surtout la plus poétique des rencontres sous-marines. La troisième marche du podium est occupée par *L'Île de la Tortue* de Jacques Rosier, avec Pierre Richard et Jacques Villeret organisant un voyage touristique sur une île déserte, qui tourne rapidement au désastre logistique et moral.

On pourrait bâtir des autoroutes sur lesquelles les autocars pleureraient inévitablement. Vous trouveriez ici des enveloppes de chewing-gum, des sachets de pommes chips, des capsules d'eau minérale et des pots de saucisson.

Cette citation met en lumière le décalage entre l'attente de vacances sur une île déserte et la réalité crue et fatiguée de l'existence moderne que les personnages tentent de fuir.

La deuxième place est accordée à l'amour insulaire, conservant le plus beau pour la fin : *L'Amant* (Monica Bellucci/Marguerite Duras, bien que le film exact ne soit pas nommé, le contexte suggère une œuvre centrée sur l'amour exotique et la nudité). Le film est salué pour son baiser magnifique et la plus belle des cavalières dénudées dans le vent et le silence. Enfin, la première place est réservée à un feu d'artifice : *L'Île de Porquerolles* (probablement une référence à un film français évoquant cette île, ou une métaphore pour la couleur), avec ses teintes de bleu, jaune et rouge, se terminant par un plan sur Rainaud.