L'histoire de Melun... A Toute Berzingue !

Melun, située sur une île stratégique de la Seine entre Paris et Troyes, fut initialement le territoire des Sénons à l'époque gauloise. Cette cité antique portait le nom de Metlosedum, signifiant en langue gauloise « le lieu des moissonneurs ». Cette appellation souligne l'importance agricole de la région, la Brie, qui, avec la Beauce, constituait le grenier à grain de la France pendant des siècles. À Metlosedum, le travail du blé et de la farine était déjà central, favorisant une cité commerçante tirant profit des échanges fluviaux vers Paris ou Troyes.

Après la conquête romaine, le développement urbain de Melun se déplaça vers la rive gauche, dans le secteur de Saint-Ambroise. Cette nouvelle ville romaine bénéficiait de toutes les commodités classiques : un forum, des commerces et un amphithéâtre. L'organisation spatiale était marquée par un plan en damier, avec des rues rectilignes se croisant à angle droit, structurées autour d'un cardo principal orienté nord-sud, encore identifiable aujourd'hui par l'avenue Thiers. Des voies parallèles complétaient ce quadrillage urbain.

La découverte d'un four de potier gallo-romain témoigne de l'artisanat actif de l'agglomération avant la fin de cette période. Ce four, retrouvé et restauré, est aujourd'hui visible au cœur de Melun, sur l'île Saint-Étienne.

À partir de la fin du IIIe siècle, l'affaiblissement de l'Empire romain et la fin de la Pax Romana forcèrent Melun, à l'instar des autres cités gauloises, à se rétracter. La population se réfugia sur l'île Saint-Étienne, se protégeant derrière de puissants remparts. Les fortifications érigées à cette époque, dont des vestiges sont encore visibles aujourd'hui près de la médiathèque, donnent une idée de la structure défensive de l'île à la fin de l'Antiquité.

Avec la chute de l'Empire romain, les Francs prirent progressivement possession du territoire et commencèrent à développer la rive droite de la ville. Cette dualité structurelle rappelle fortement celle de Paris : une rive gauche développée par les Romains et une rive droite établie par les Francs. Au centre, l'île Saint-Étienne accueillait le pouvoir temporel à l'ouest (le château de Melun) et le pouvoir spirituel à l'est (la future collégiale Notre-Dame). Le premier bourg sur la rive droite s'organisa autour de l'église Saint-Aspais, nommée d'après un saint évangélisateur.

Il faut reconnaître que les Francs étaient avisés pour asseoir leur autorité.

Cette stratégie d'alliance avec le christianisme, initiée par Clovis, permit aux Francs, minoritaires face à des millions d'habitants, de s'appuyer sur l'administration ecclésiastique résistante pour régner efficacement sur le territoire. L'appui des évangélisateurs facilita l'administration du pays.

À la chute de l'Empire carolingien, les Capétiens s'imposèrent progressivement sur les autres seigneurs. Fait notable, la toute première résidence royale des premiers Capétiens en Île-de-France fut Melun, et non Paris. Hugues Capet, père de la dynastie, est né à Dourdan et fut sacré à Senlis, mais son fils, Robert le Pieux, choisit Melun pour y régner et y mourir. Le château royal se situait dans la partie occidentale de l'île Saint-Étienne, appuyé sur les fondations romaines du Bas-Empire.

Malheureusement, ce château royal des premiers Capétiens a entièrement disparu ; il a été remplacé par la médiathèque actuelle. Aucune trace subsiste des fortifications qui entouraient la ville lorsqu'elle était une place forte royale. Cependant, des bases de ces remparts sont toujours présentes, souvent enterrées ou dissimulées dans des caves, comme celle du caviste Nicolas du côté de Saint-Aspais, dont la cave repose sur les anciennes fortifications.

On est entre Paris et les foires de Champagne. Et attention les enfants, les foires de Champagne au Moyen Âge, c'est pas de la quiche hein, c'est le carrefour commercial de l'Europe.

La position de Melun était stratégique, car elle se situait entre Paris et les foires de Champagne, considérées comme le carrefour commercial de l'Europe médiévale, où se fixaient notamment les prix du blé. Cette proximité avec les zones céréalières (Brie et Beauce) garantissait un approvisionnement constant en grain, nécessitant la présence de nombreux moulins, dont des vestiges subsistent encore dans la Brie, comme le moulin à vent du XIIIe siècle à Gastins.

Simultanément, la partie orientale de l'île Saint-Étienne fut consacrée au pouvoir spirituel. Robert le Pieux y fit édifier la collégiale Notre-Dame, reconnaissable à ses deux tours clochers évoquant l'art roman de l'an Mille, à l'image de la tour de Saint-Germain-des-Prés. Elle fut érigée en collégiale et non en cathédrale car l'évêché se trouvait déjà à Sens.

La Renaissance marque une période de reconstruction pour Melun, qui avait lourdement souffert durant la Guerre de Cent Ans, convoitée par les ennemis de la France et les Bourguignons. Après le conflit, la ville perdit son statut de résidence royale ; le château fut abandonné par les rois de France et tomba progressivement en ruine. Néanmoins, la vicomté de Melun conserva un prestige notable, comme en témoigne le sublime hôtel particulier Renaissance du XVIe siècle, l'Hôtel de la Vicomté.

Cet hôtel particulier appartiendra plus tard à Nicolas Fouquet, l'un des vicomtes de Melun les plus célèbres. Durant la période où il se faisait construire son chef-d'œuvre, il résidait à Melun même, à l'Hôtel de la Vicomté. Fouquet fut l'homme le plus riche du Grand Siècle, sous la jeunesse de Louis XIV, et fit bâtir son château à Vaux-le-Vicomte, situé non loin de là.

Vaux-le-Vicomte est considéré comme le précurseur de Versailles, bénéficiant de la proximité de Fontainebleau, résidence du jeune Louis XIV, puisque Versailles n'existait pas encore. Le faste de ce château déplut finalement au roi, entraînant la chute et l'emprisonnement de Nicolas Fouquet.

Durant la Révolution, Melun changea significativement de statut, passant du statut d'ancienne résidence royale à celui de préfecture du département de Seine-et-Marne. Le préfet prit ses quartiers dans les locaux de l'ancienne abbaye Saint-Père. La ville entama alors une profonde mutation, devenant progressivement une cité plus administrative, voyant même des couvents se convertir en casernes, faisant de Melun une ville de garnison importante.

La ville accueillait notamment, au sud, près de la place Chapu, une caserne de cavalerie qui fut la plus grande de toute la France. Suite à une épidémie de dysenterie qui perturba l'organisation, les installations militaires furent restructurées et basculées au nord de la ville. Ce site est aujourd'hui occupé par l'Académie militaire de la gendarmerie nationale, où se trouvent les vestiges de la caserne Pajol, désormais utilisée par l'état-major de la gendarmerie.

L'histoire de cette institution est retracée au Musée de la gendarmerie nationale, dirigé par le capitaine Da Silva. Ce musée magnifique raconte l'évolution de cette institution, considérée comme la plus ancienne du pays, depuis les sergents du guet, appelés maréchaussée, qui assuraient la sécurité des liaisons routières. Ces maréchaux de la chaussée constituaient une unité mobile mécanisée.

La Dyane de Louis de Funès, bien qu'en cours de restauration, sera réexposée en 2025, à l'occasion du dixième anniversaire du musée, dans une nouvelle scénographie.

Melun continue sa mue à l'époque contemporaine. Bien que demeurant une préfecture et une cité administrative très importante, la ville investit dans l'avenir en transformant d'anciens locaux, tels que ceux de la poste, en campus universitaire. Ce campus dépend désormais de la faculté Panthéon-Assas de Paris, renforçant le lien historique avec la capitale. Le nombre d'étudiants a explosé, passant de 80 en 1987 à plus de 2500 prévus pour 2025 pour les facultés de droit et d'économie.

La ville réussit à transformer son riche passé historique en une force pour son avenir. Elle offre un cadre bucolique grâce à la présence de la Seine, se positionnant comme une destination de proximité pour les habitants du sud de Paris. De plus, l'environnement naturel est enrichi par la mythique forêt de Fontainebleau et la présence des fameuses « Affolantes », ces villas luxueuses construites sur les bords de Seine durant la Belle Époque.