Le XXème siècle en 10 idées clés

Le XXe siècle représente une période d'une densité historique exceptionnelle, caractérisée par des progrès fulgurants tant sur les plans politique que scientifique. Cependant, cette ère fut également le théâtre des pires atrocités commises par l'humanité. L'académicien et historien René Rémond, dans son ouvrage Regard sur le siècle, propose une grille de lecture permettant de comprendre pourquoi cette période se distingue fondamentalement des siècles précédents.

le xxème siècle est sans doute le siècle le plus dense en termes historiques

L'analyse historique du XXe siècle, telle que théorisée, repose sur dix concepts majeurs qui structurent la compréhension de cette période mouvementée. Ces idées permettent de dépasser la simple chronologie mathématique pour saisir la logique profonde des événements qui ont façonné le monde contemporain.

Le découpage séculaire, basé sur des périodes de cent années, relève davantage de la commodité mathématique que d'une logique historique cohérente. Selon René Rémond, le véritable XXe siècle débute en 1914 avec l'embrasement de l'Europe et la Première Guerre mondiale, un conflit marquant par son caractère inhumain et son impact sur la colonisation. Il s'achève en 1989 avec la chute du Mur de Berlin.

Bien que la fin du monde bipolaire dominé par les États-Unis et l'URSS soit techniquement marquée par l'éclatement de l'Union Soviétique en 1991, l'idée majeure est que le début des années 1990 signale la fin de l'histoire selon le concept développé par Francis Fukuyama, voyant le capitalisme et la démocratie libérale s'imposer comme valeurs universelles.

La vitesse des changements survenus durant le XXe siècle est sans commune mesure avec les époques précédentes, justifiant l'appellation d'accélération historique. Cette accélération se manifeste d'abord dans l'explosion démographique mondiale, où la population a été multipliée par environ quatre depuis 1901. Ce phénomène s'explique principalement par les progrès considérables de la médecine, avancée plus au XXe siècle qu'au cours des deux millénaires précédents.

La mondialisation, amorcée au XVe siècle, a pris une dimension nouvelle au XXe siècle. Les États-Unis se sont affirmés comme le moteur du libre-échange après les accords de Bretton Woods en 1944, menant à la création de l'Organisation Mondiale du Commerce en 1995. Parallèlement, la réduction des distances physiques grâce aux transports modernes et virtuelles via Internet a transformé le mode de vie. L'anglais s'est imposé comme langue de communication mondiale, harmonisant partiellement les cultures.

Le XXe siècle est intrinsèquement un siècle de fer, où les affrontements n'ont cessé, depuis la poudrière des Balkans jusqu'à la lutte contre le terrorisme. Toutefois, les deux conflits mondiaux de 1914-1918 et 1939-1945 constituent les événements les plus marquants. Ces guerres ont concerné la quasi-totalité de la planète et ont été les premières guerres totales, où les civils n'ont pas été épargnés dans ces conflits sans merci.

Le XXe siècle est également le berceau du totalitarisme, un idéal politique où le parti unique cherche à contrôler l'intégralité de la vie des citoyens pour imposer sa vision du monde. Cette doctrine s'est manifestée sous diverses formes, notamment le nazisme en Allemagne, le fascisme en Italie, et le communisme en URSS, provoquant la mort de dizaines de millions de personnes. Si les régimes despotiques sont anciens, c'est la première fois que l'exercice du pouvoir est inextricablement lié à une idéologie structurée, éliminant systématiquement tous les détracteurs.

Les procès de Moscou, orchestrés par Staline entre 1936 et 1939, constituent un exemple emblématique de cette négation de la vérité et de la justice. Ces événements, où les anciens rivaux politiques du dictateur furent condamnés à mort, illustrent la nature inhumaine de ces régimes. Heureusement, le siècle a également connu des périodes plus heureuses.

Après 1945, une nette amélioration s'observe à l'échelle mondiale, particulièrement en Occident avec l'ère des Trente Glorieuses. Selon René Rémond, cette période fut caractérisée par une croissance économique annuelle oscillant entre 6% et 7% dans des pays comme la France, l'Italie ou la RFA. Les salaires augmentaient plus rapidement que les prix, faisant du plein emploi une réalité tangible.

Même la Guerre Froide s'est transformée progressivement en une opposition pacifique, l'épisode le plus tendu restant la crise des missiles de Cuba en 1962, après quoi le risque d'un conflit armé direct entre l'Est et l'Ouest s'est estompé.

La conclusion du XXe siècle n'a cependant pas été aussi radieuse que la période précédente. Aux Trente Glorieuses ont succédé les « années piteuses », marquées par un ralentissement de la croissance autour de 2% à 3% et l'installation du chômage de masse comme phénomène structurel dans de nombreux pays européens. L'Afrique, malgré une vague d'indépendances dans les années 60, peinait à décoller, restant dominée par une extrême pauvreté.

Des conflits sanglants persistaient sans perspective de paix durable, notamment en ex-Yougoslavie ou au Moyen-Orient. De plus, l'éradication totale de l'analphabétisme et de certaines maladies comme la tuberculose restait un objectif lointain. L'apparition et la propagation du SIDA dans les années 1980 ont également marqué la fin de l'insouciance sexuelle de l'époque.

René Rémond identifie le XXe siècle comme celui où l'humanité a progressé considérablement dans tous les domaines scientifiques et techniques. Ces avancées ont redéfini les limites du possible. L'homme a conquis le minuscule en découvrant le fonctionnement du génome, tout en explorant l'infiniment grand à travers la conquête de l'espace, largement motivée par la Guerre Froide.

Les progrès scientifiques ont eu un impact direct et positif sur la qualité de vie. L'espérance de vie s'est considérablement allongée : en 1901, les Français vivaient en moyenne 46 ans, contre 79 ans plus tard. La réduction du temps de travail journalier et l'abolition du travail des enfants sont d'autres progrès notoires, bien que l'exploitation humaine persiste dans certaines régions.

Les femmes ont également vu leur statut s'améliorer substantiellement. Elles détiennent désormais, dans la plupart des cas, les mêmes droits que les hommes, accèdent à des fonctions à hautes responsabilités et disposent de moyens de contraception ou de l'accès à l'avortement.

Sur le plan politique, le XXe siècle est incontestablement celui de la démocratie. Les régimes démocratiques ont réussi à mater le totalitarisme durant la Seconde Guerre mondiale. Par la suite, une vague de transition a vu tomber de nombreux régimes autoritaires, souvent sans effusion de sang, comme en Grèce (1973), au Portugal (1974) et en Espagne (1975) après la mort de Franco.

L'Afrique a également perfectionné l'exercice de la démocratie dans les années 1980 et 1990. Bien que des disparités subsistent, il est notable qu'aujourd'hui, tous les dirigeants du monde se réclament légitimes auprès de leur peuple, même si tous les pays ne sont pas encore pleinement démocratiques.

Face aux atrocités des grandes guerres et à l'émergence d'un espace mondialisé, les nations ont été poussées à collaborer. La Société des Nations, première tentative significative après la Première Guerre mondiale, n'a pas survécu au second conflit. Cependant, d'autres initiatives ont bouleversé les relations internationales, notamment l'Organisation des Nations Unies (ONU) et l'Union Européenne (UE).

L'ONU a permis l'émergence d'une gouvernance mondiale, érigeant des principes universels comme la liberté et l'égalité entre les hommes, inscrits dans sa Charte. L'organisation peut intervenir grâce à ses Casques Bleus lorsque les droits de l'homme sont bafoués, comme ce fut le cas lors de la guerre de Bosnie-Herzégovine en 1992. De plus, la Cour Pénale Internationale est chargée de juger les crimes de guerre.

Initiée par le discours de Robert Schuman, ministre des Affaires étrangères français, l'Union Européenne représente de très loin l'exemple d'intégration régionale le plus abouti de la planète. Elle a permis de pacifier le continent, de soutenir la croissance économique des membres et de créer une communauté à travers le marché unique, l'espace Schengen, le programme Erasmus ou la création de l'Euro.