Valuable insights
1.La BD comme cri d'indignation face à Gaza: Joe Sacco utilise la bande dessinée comme moyen d'expression essentiel pour dénoncer l'indignation face à la guerre à Gaza, revenant sur un territoire fondateur de son œuvre.
2.Méthode de travail à distance et satire: En l'absence d'accès physique, l'auteur a créé des chroniques en ligne, privilégiant une approche satirique et l'humour noir pour transmettre des réalités dramatiques.
3.Critique acerbe de la complicité américaine: L'artiste pointe du doigt la complicité des États-Unis, notamment l'administration Biden, dans le conflit, considérant que Washington fournit les moyens de la violence sans exercer de pression.
4.Gaza, faillite morale de l'Occident: L'événement de Gaza est interprété comme le point culminant de l'hypocrisie occidentale, révélant que les idéaux de démocratie et de droits humains ne s'appliquent pas universellement.
5.Le temps de l'art contre la rapidité journalistique: Le format dessiné permet une réflexion plus profonde et une assimilation des événements, contrairement au journalisme d'actualité contraint par l'immédiateté du présent.
Introduction : Joe Sacco, Témoin de la Violence
Joe Sacco, figure reconnue du reportage en bande dessinée depuis le début des années 90, consacre son art aux lieux où la violence humaine se manifeste le plus intensément. Il privilégie une approche sans micro ni caméra, utilisant ses dessins en noir et blanc pour se représenter et documenter ces réalités. Le territoire palestinien occupe une place centrale dans son œuvre, ayant produit un album phare qui lui valut l'American Book Award. Il revient aujourd'hui sur Gaza, théâtre de bombardements intenses sans issue diplomatique apparente.
Le retour à la Palestine et l'album Gaza Gaza
L'ouvrage récent, intitulé Gaza Gaza, publié en France aux éditions Futuropolice, représente une forme de chronique. Aux États-Unis, il fut initialement conçu comme une série de chroniques postées sur le forum internet du Comic Journal entre janvier et juin 2024. Cette méthode marque une rupture avec le travail habituel de bande dessinée reportage, car Sacco n'a pas pu se rendre physiquement sur place.
La Genèse de Gaza Gaza : Réponse à l'Urgence
La décision de réaliser cet ouvrage sans être présent sur le terrain s'est imposée par la fermeture de Gaza aux journalistes. L'auteur explique ne pas avoir eu le choix, préférant habituellement le reportage direct. Cependant, des amis résidant à Gaza, soumis aux bombardements, l'ont supplié d'utiliser sa voix pour témoigner de la situation. Cette sollicitation personnelle a motivé l'artiste à trouver un autre moyen d'expression, différent de sa méthode traditionnelle.
- L'impossibilité d'accéder physiquement à Gaza pour les journalistes.
- La demande directe d'un ami vivant sous les bombardements.
- La nécessité de trouver un moyen d'expression non polémique.
- Le recours à une approche satirique, héritée de son passé de satiriste.
L'humour noir comme véhicule de la pilule amère
Bien que l'album contienne un humour étonnant, surtout dans les incartades finales, les constats demeurent dramatiques. L'auteur justifie ce choix en rappelant que son objectif initial en bande dessinée était de faire rire. Il voulait éviter une approche purement polémique ou agressive envers le lecteur, préférant utiliser une forme d'humour noir pour rendre la pilule plus facile à avaler, même si la situation traitée reste lourde de désespoir.
« J'espère la raison pour laquelle j'ai commencé à faire de la bande dessinée, c'est pour faire rire les gens. »
Critique de la Politique Américaine et du Discours Occidental
En tant que résident européen, Joe Sacco estime pouvoir obtenir un certain recul, se sentant moins prisonnier de son identité américaine pure. Il trouve plus aisé d'endosser le rôle de l'étranger commentant les événements. Néanmoins, ses critiques visent directement l'administration américaine, notamment Joe Biden, dès le début de ses chroniques. L'auteur ressent que l'Amérique est complice des événements actuels, fournissant les armes tout en faisant semblant de chercher un cessez-le-feu.
L'implication de l'administration Biden
L'implication américaine est jugée profonde dans ce que Sacco qualifie de génocide commis par Israël. Il critique spécifiquement le président Biden, personnage déplaisant qui aurait participé à la déshumanisation des Palestiniens. Cette déshumanisation a été facilitée par la diffusion d'images d'atrocités qui ne se sont jamais produites, ouvrant la voie à une violence extrême contre la population palestinienne.
« Je suis en fait un peu abassourdi pour être franc dans cet état où j'étais figé en fait, mon cerveau n'arrivait pas à assimiler ce qui se passait. »
L'évolution rhétorique avec Kamala Harris
Concernant Kamala Harris, l'auteur exprime de sérieux doutes quant à un changement réel dans la politique américaine envers les Palestiniens. Bien qu'elle utilise un langage plus modéré, parlant de souffrance et d'une solution à deux États, elle maintient l'envoi d'armes. Sacco constate que la politique américaine au Moyen-Orient tend à rester identique, qu'un démocrate ou un républicain soit au pouvoir.
Le Colonialisme, la Démocratie et les Limites de l'Expression
L'album de Sacco n'est pas seulement un compte rendu chronologique des bombardements, mais une analyse profonde du discours des démocraties occidentales, montrant comment les mots perdent leur sens lorsque la situation se dégrade. Ce livre est devenu, au fil de sa création, une œuvre philosophique questionnant non seulement les actions d'Israël, mais aussi le rôle de l'Occident et la signification réelle de la liberté d'expression dans ce contexte.
Assimilation du colonialisme et Edward Saïd
L'auteur fait le lien, à l'instar du penseur postcolonial Edward Saïd, entre le colonialisme occidental et l'occupation des terres palestiniennes. Il cite l'expulsion continue des Palestiniens par des colons sous protection militaire en Cisjordanie comme preuve d'un projet colonial évident. Cette assimilation est difficile aux États-Unis, où la question juive est souvent isolée des autres luttes comme celle du Vietnam ou des droits civils.
La faillite morale de l'Occident
Sacco affirme que Gaza est l'endroit où l'Occident va mourir moralement, représentant une faillite de ses principes fondamentaux tels que les droits humains et l'État de droit. Ces concepts semblent ne pas s'appliquer à certains peuples considérés comme déshumanisés et hors du droit international. La démocratie elle-même est remise en question, car elle exclut souvent des populations, rappelant les limites de la démocratie athénienne antique.
- Le discours constant sur les droits humains qui n'est pas appliqué universellement.
- L'oubli de la fraternité au profit de l'égalité et de la liberté pour certains.
- L'exclusion historique des femmes et des esclaves dans les formes pures de démocratie.
Priorité au Peuple Palestinien et Échec du Journalisme
L'auteur explique sa décision de parler extrêmement peu du Hamas ou des otages israéliens détenus à Gaza. Son point de vue se concentre exclusivement sur ce qui arrive aux Palestiniens, bien qu'il souhaite le retour des otages. Il note d'ailleurs que le gouvernement israélien semble accorder peu de valeur à la vie de ces otages, suscitant des manifestations de familles contre Netanyahou.
Le temps nécessaire pour traiter le génocide
Sacco révèle avoir envisagé d'arrêter le journalisme après avoir couvert tant de violence, se sentant obligé d'agir suite à l'appel de son ami. Il souligne que le journalisme est contraint par le temps du présent, obligeant à écrire à l'imparfait ou au présent, ce qui est inadéquat pour traiter un événement comme un génocide. Il faut donc chercher d'autres formes narratives, comme la littérature ou le cinéma, pour s'immerger et assimiler les faits en profondeur.
- La littérature pour permettre une réflexion approfondie.
- Le cinéma ou d'autres formes artistiques.
- L'abandon de la casquette de journaliste, comme ce fut le cas pour le Rwanda.
L'Analyse de la Violence Politique : Inde et Peur
Le travail de reportage de longue haleine se retrouve dans un autre album, Souffler sur le feu : violence passée et avenir, qui paraîtra prochainement. Cet ouvrage enquête sur le conflit entre les communautés musulmane et hindoue dans l'Uttar Pradesh, en Inde. Au cœur de cette affaire, l'administration locale a tenté d'exploiter un incident mineur entre les deux groupes pour galvaniser sa base électorale, utilisant la peur comme outil de contrôle.
La peur comme moteur politique
L'auteur généralise ce mécanisme : partout où des démagogues nationalistes cherchent à obtenir des votes, la peur est utilisée comme émotion fondamentale pour diviser les populations. Cet outil est plus efficace que de montrer l'intérêt commun des citoyens. Cette dynamique n'est pas propre à l'Inde ; aux États-Unis également, la normalisation d'un cycle électoral potentiellement violent, attisée par des figures comme Donald Trump, inquiète l'artiste.
Foi en l'Humain et Représentation de l'Horreur
Malgré les horreurs documentées, Joe Sacco affirme conserver sa foi en l'humanité, rencontrant constamment des gens prêts à aider sur le terrain. Le problème réside dans les structures de pouvoir : plus les individus montent dans la hiérarchie, plus ils semblent déconnectés. L'auteur développe une théorie selon laquelle les échelons supérieurs du pouvoir exigent une certaine sociopathie pour s'y maintenir et manipuler les populations.
Fixer des limites à la représentation de la violence
L'artiste impose des limites strictes à ce qu'il est capable de représenter visuellement. Il évite les scènes trop violentes ou les représentations graphiques de cadavres, car les gens voient déjà ces images quotidiennement. Pour l'album sur Gaza, il a choisi une représentation minimaliste et plus abstraite de la violence, afin de ne pas banaliser le propos et de ne pas se laisser rebuter par l'horreur graphique.
« Je n'ai pas envie de voir des films trop violents, donc j'essaie d'utiliser la représentation de la violence à bon escient. »
Questions
Common questions and answers from the video to help you understand the content better.
Pourquoi Joe Sacco a-t-il choisi la satire pour aborder la situation à Gaza ?
L'auteur souhaitait éviter un texte purement polémique et utiliser une forme d'humour noir pour faciliter l'acceptation des constats dramatiques par le lecteur.
Quel est le rôle des États-Unis dans le conflit actuel selon Joe Sacco ?
Sacco considère que l'Amérique est complice du génocide commis à Gaza, car elle fournit les armes et n'utilise pas son poids pour faire pression sur Israël.
Comment Joe Sacco concilie-t-il son travail de journaliste avec la nécessité de prendre du recul sur les événements ?
Il trouve que la bande dessinée lui permet de prendre le temps d'assimiler les choses en profondeur, contrairement au rythme effréné du journalisme d'actualité.
Qu'est-ce que Gaza symbolise pour l'Occident selon l'auteur ?
Gaza est vue comme l'endroit où l'Occident va mourir d'un point de vue moral, représentant une faillite morale face à ses propres valeurs de droits humains et de démocratie.
Pourquoi l'auteur évite-t-il de détailler le Hamas ou les otages israéliens dans son ouvrage sur Gaza ?
La concentration de l'ouvrage est entièrement centrée sur ce qui arrive aux Palestiniens, bien que l'auteur souhaite que les otages israéliens soient rendus à leurs familles.
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