Valuable insights
1.Ralliement de la Tech à l'Extrême Droite: Des figures majeures de la Silicon Valley, comme Elon Musk, soutiennent désormais l'extrême droite, marquant un revirement spectaculaire par rapport aux idéaux progressistes initiaux du web.
2.La Peur de la Régulation Démocrate: L'administration Biden a tenté de réguler les géants du web après 2016, provoquant une réaction hostile des patrons de la tech qui préfèrent un environnement sans entraves réglementaires.
3.Les Utopies Fondatrices du Web: L'internet des années 90 était animé par des utopies concurrentes d'émancipation individuelle et de démocratisation des médias, financées en partie par la recherche militaire de la Guerre Froide.
4.L'Héritage des Cypherpunks: Le mouvement Cypherpunk a promu l'usage de la cryptographie pour garantir les libertés individuelles, l'anonymat et la transparence face aux pouvoirs étatiques et capitalistes.
5.L'Espace Public et Foucault: L'analyse de Félix Tréger utilise Foucault pour montrer que l'État cherche constamment à contrôler l'espace public, évoluant du régime féodal au régime sécuritaire actuel.
6.Le Régime Sécuritaire Post-2001: Les attentats du 11 septembre 2001 ont permis aux États de mettre en place des formes massives de surveillance et de censure sur Internet, sous couvert de lutte antiterroriste.
7.Le Capitalisme de Surveillance: Ce modèle économique, théorisé par Shoshana Zuboff, repose sur la collecte massive de données personnelles pour générer des profits via la publicité ciblée, initié par Google.
8.Convergence Idéologique État-Capital: Une relation symbiotique s'est instaurée entre les États et les plateformes oligopolistiques, partageant une idéologie anti-État redistributeur et un culte du marché non régulé.
Le Revirement de la Silicon Valley
Des événements récents, comme le salut nazi exécuté par une figure puissante de la démocratie américaine, illustrent un changement profond au sein de la Silicon Valley, autrefois perçue comme un bastion progressiste. Des actions telles que l'abandon de la vérification des faits par Mark Zuckerberg sur Facebook ou le soutien d'Elon Musk à Donald Trump sur X signalent une convergence inattendue avec l'extrême droite. L'analyse de Félix Tréger, chercheur associé au CNRS et membre de la Quadrature du Net, démontre que ces revirements spectaculaires ne sont pas des anomalies, mais s'inscrivent dans une histoire longue liant l'État et le capitalisme numérique.
Pourquoi la Silicon Valley soutient l'extrême droite ?
Ce changement d'époque est largement expliqué par la réaction de la Silicon Valley à l'arrivée au pouvoir de l'administration démocrate de Joe Biden en 2020. Suite à l'instrumentalisation de plateformes comme Facebook pour la propagande, documentée notamment par le scandale Cambridge Analytica, l'idée de réguler ces entreprises a pris corps. Les patrons de la Silicon Valley ont perçu cette volonté de régulation d'un très mauvais œil, ce qui justifie leur alignement actuel, y compris au sein d'entreprises se présentant comme progressistes, avec des figures comme Trump, ou même en soutenant des partis d'extrême droite comme l'AFD en Allemagne.
- Elon Musk mettant son réseau X au service de Trump.
- Marc Zuckerberg supprimant la vérification des faits sur Facebook.
- Jeff Bezos limitant la liberté d'expression au Washington Post.
Les Idéaux Originels du Web des Années 90
L'alliance actuelle entre la tech et l'extrême droite contraste fortement avec le modèle incarné par le web dans les années 90, caractérisé par des valeurs intrinsèquement progressistes. Félix Tréger décrit ce réseau initial comme un lieu où de nombreuses utopies se sont croisées, le tout dans le contexte de la Guerre Froide où l'armée américaine finançait massivement le développement informatique. Ces utopies concurrentes opposaient l'informatique comme outil de contrôle gouvernemental à l'informatique comme vecteur d'émancipation individuelle et collective, visant la démocratisation des médias.
Configuration politique et financement initial
Dans les années 60, une contreculture forte critiquait le conformisme et les guerres impérialistes, tout en bénéficiant des crédits du Pentagone pour la recherche informatique. Des chercheurs comme Joseph Licklider travaillaient sur des programmes pour prédire la radicalisation des jeunesses, afin d'éviter leur adhésion au communisme. Simultanément, Licklider fréquentait des technophiles partageant sa vision de l'ordinateur comme machine communicationnelle et d'émancipation individuelle. Il est important de noter qu'en 1983, la publication du protocole IP marque le début technique d'Internet, suivi en 1990 par l'avènement du web, rendant cet espace communicationnel accessible à un public beaucoup plus large.
À l'époque, l'idée qu'on pouvait prendre le pouvoir grâce aux ordinateurs était une idée de gauche.
L'Héritage Cryptographique et les Cypherpunks
Ces utopies d'émancipation ont inspiré les acteurs clés de la tech, y compris Steve Jobs. À partir de la fin des années 80, un courant distinct, les Cypherpunks, s'est développé avec l'objectif de mettre la cryptographie, technologie militaire, au service des libertés individuelles. L'idée centrale était d'utiliser ces outils pour susciter des lanceurs d'alerte et garantir la transparence des pratiques étatiques et corporatives par la fuite d'informations.
Acteurs et documents emblématiques de la liberté
Un moment emblématique de cette utopie fut la Déclaration d'indépendance du cyberespace, signée en 1996 par le cryptolibertarien John Perry Barlow, appelant les gouvernements du monde industriel à laisser l'espace numérique tranquille pour permettre l'expression libre.
L'Analyse Foucaultienne de l'Espace Public
Pour comprendre la transformation d'Internet, Félix Tréger remonte l'histoire jusqu'à l'invention de l'imprimerie au XVe siècle, comparant cette révolution communicationnelle à celle du web. La notion centrale est celle de l'espace public, un espace conceptuel où se déroulent des pratiques communicationnelles (salons littéraires, presse) permettant de critiquer le pouvoir. Internet fut d'abord vu comme une bibliothèque universelle capable de contourner la domination des grands médias politiques, ravivant l'idée des salons des Lumières.
L'État : de la protection au contrôle
Tréger ajoute une seconde brique à son analyse : le rôle de l'État, qui a toujours cherché à contrôler l'espace public plutôt qu'à le protéger. En s'appuyant sur Michel Foucault, il complexifie la vision de l'État comme bloc homogène. Foucault voit l'État moderne, apparu aux XVIe et XVIIe siècles, comme une rationalité visant à produire de la richesse et à maintenir une population docile.
Internet s'inscrit dans ce dernier régime, le sécuritaire, où le pouvoir régule des flux ouverts. La mainmise étatique sur le web est rendue possible par le moment charnière des attentats du 11 septembre 2001. Avant cela, les États peinaient à réguler ce moyen de communication transfrontalier. La crise antiterroriste qui s'ensuit conduit à la mise en place de formes de surveillance massives et de nouvelles modalités de censure, notamment via des textes comme la loi Patriot signée par George Bush.
Capitalisme de Surveillance et Symbiose avec l'État
La mutation du XXIe siècle s'appuie sur le travail de Shoshana Zuboff concernant l'âge du capitalisme de surveillance. Ce modèle est une prolongation de la logique capitaliste visant à optimiser la consommation, mais il repose sur la collecte massive de données personnelles des utilisateurs. Google a été pionnier dans ce modèle économique après l'éclatement de la bulle Internet en 2000, misant sur la publicité ciblée alors qu'ils rejetaient auparavant cette pratique sur leur moteur de recherche.
Le rôle économique des géants du numérique
Cette facilité mène à une relation symbiotique entre le capitalisme informationnel et l'État. Les documents divulgués par Edward Snowden illustrent parfaitement cette connivence, montrant comment des entreprises comme Apple, Facebook et Google fournissent des données personnelles au FBI et à d'autres agences de renseignement pour des fins de surveillance politique et sécuritaire.
Convergence Idéologique et Perspectives d'Avenir
L'émergence du nouveau modèle hégémonique après 2001 est née de deux dynamiques : les États paniqués par la liberté naissante d'Internet et le capitalisme de surveillance fondé sur les profits issus de la collecte de données. Une convergence idéologique apparaît désormais au grand jour : ces acteurs partagent avec une nouvelle extrême droite une haine de l'État redistributeur et un culte du marché. Cette alliance s'est nouée dès les années 90, lors des guerres culturelles américaines, opposant les figures technophiles promarché aux politiques sociales-démocrates.
Figures emblématiques et criminalisation de l'expression
Des figures comme Elon Musk et Peter Thiel, soutien précoce de Donald Trump, incarnent cette conversion idéologique, motivée par l'accumulation et la conservation maximales de richesse sans régulation. Cette tendance s'accompagne d'une criminalisation de la liberté d'expression, visible par la censure intense des discours pro-palestiniens sur les réseaux sociaux ou par des pratiques de 'shadow ban' visant à masquer des contenus sans les supprimer officiellement. Bien qu'il soit tentant de parler de dictature numérique, il existe encore des espaces libres.
- Mastodon comme alternative à X.
- Pixel Fed comme alternative à Instagram.
- Blue Sky.
L'Europe pourrait jouer un rôle crucial en promouvant activement ces alternatives pour incarner une troisième voie face à la fascisation des grandes plateformes et à la fuite en avant délétère du capitalisme de surveillance.
Questions
Common questions and answers from the video to help you understand the content better.
Quelles sont les raisons structurelles expliquant le ralliement de dirigeants de la Silicon Valley comme Elon Musk au pouvoir d'extrême droite ?
Ce ralliement répond à des intérêts matériels, notamment l'échappatoire aux régulations qui menaceraient leurs profits, et à une convergence idéologique profonde, partageant une aversion pour l'État redistributeur et un culte du marché.
Comment l'analyse de Michel Foucault éclaire-t-elle la tentative de l'État de contrôler Internet après le 11 septembre 2001 ?
Foucault permet de comprendre que l'Internet s'inscrit dans le régime sécuritaire du pouvoir, où l'État cherche à réguler les flux ouverts de données, une modalité de gouvernance qui s'est imposée après les attentats de 2001.
Quelle est la différence fondamentale entre le régime disciplinaire et le régime sécuritaire de Foucault dans le contexte numérique ?
Le régime disciplinaire opérait dans des espaces clos (usines, écoles) par la surveillance des corps, tandis que le régime sécuritaire, incarné par Internet, s'exerce dans un espace ouvert visant à réguler les flux de marchandises, de personnes et de données.
Qu'est-ce que le capitalisme de surveillance selon Shoshana Zuboff et quel rôle Google a-t-il joué dans son établissement ?
Le capitalisme de surveillance est un modèle économique fondé sur la collecte massive de données personnelles pour proposer de la publicité ciblée. Google a été l'instigateur de ce modèle après l'éclatement de la bulle Internet en 2000 pour trouver une source de revenus stable.
Quelles sont les utopies qui animaient les débuts d'Internet et comment les Cypherpunks cherchaient-ils à les préserver ?
Les utopies initiales visaient l'émancipation individuelle et la démocratisation des médias, s'opposant au contrôle étatique. Les Cypherpunks cherchaient à pérenniser ces idéaux en utilisant la cryptographie pour assurer l'anonymat et la liberté d'expression contre toute forme de surveillance.
Quelles alternatives concrètes sont proposées pour échapper aux plateformes numériques centralisées et toxiques ?
Il est suggéré de quitter les grandes plateformes pour des alternatives décentralisées comme Mastodon pour le microblogage, Pixel Fed pour les images, ou Blue Sky, afin de reconstruire un espace de débat et de partage de connaissances.
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