Démystifions la norme européenne sur l’accessibilité numérique - Alain Vagner, Dominique Nauroy

La présentation débute par l'introduction des intervenants, Alain Wagner et Dominique Nauroy, tous deux issus du service Information et Presse. L'objectif principal de la session est de démystifier la norme européenne sur l'accessibilité numérique, spécifiquement la norme EN 301 549. Il est précisé que l'intégralité de la présentation est accessible en ligne, accessible via un QR code menant à l'URL GD.Lu 3W majuscule S majuscule O Z O (le O étant un zéro). Les supports incluent les diapositives et la transcription, contenant tous les liens pertinents pour consultation ultérieure.

Le service Information et Presse du gouvernement Luxembourgeois, actif sous le nom d'Accessibility Luxembourg depuis 2020, se concentre sur trois missions fondamentales pour promouvoir l'inclusion numérique. Ces actions visent à assurer que les outils numériques respectent les standards d'accessibilité en vigueur. Le service agit également comme médiateur essentiel entre les citoyens rencontrant des difficultés et les administrations responsables des plateformes numériques.

L'accessibilité numérique poursuit un but simple : garantir à tous, sans aucune forme de discrimination, le même accès aux informations et aux services disponibles en ligne. Cela implique de prendre en compte la nature du handicap et la manière dont chaque individu consulte le contenu. Il existe une grande diversité de handicaps, qu'ils soient multiples, cognitifs, physiques, ou sensoriels, comme être aveugle ou sourd simultanément.

L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) propose une description qui dépasse la simple perspective médicale. L'intérêt réside dans l'interaction entre les caractéristiques corporelles d'une personne et les caractéristiques de la société dans laquelle elle évolue. L'enjeu n'est donc pas uniquement sanitaire, mais sociétal : il s'agit de déterminer comment la société répond aux besoins spécifiques des personnes en situation de handicap.

Pour elle (l'OMS), ce n'est pas uniquement un problème de santé. Ça ne se limite pas à un problème de santé.

Les statistiques européennes et luxembourgeoises indiquent qu'environ 15 % de la population est concernée par le handicap, une proportion appelée à croître avec le vieillissement démographique. Il est crucial de noter que le handicap peut survenir à tout âge et peut être temporaire, par exemple suite à une blessure sportive, rappelant que potentiellement, tout un chacun peut se retrouver empêché physiquement à un moment donné.

Afin de concrétiser les difficultés rencontrées, des tests ont été effectués sur le site des Voxdays Luxembourg à l'aide d'un lecteur d'écran. Un lecteur d'écran est un outil d'assistance basé sur la synthèse vocale, permettant aux personnes aveugles d'interagir avec l'ordinateur en lisant le contenu affiché à l'écran, y compris les liens, images et composants de navigation.

L'audit du site a révélé plusieurs lacunes majeures. Premièrement, le tableau des présentations présentait des en-têtes d'heures non corrélés aux intitulés des conférences. Deuxièmement, la gestion de la langue était défaillante, rendant le contenu incompréhensible lors du basculement linguistique. Enfin, les liens sponsorisés étaient restitués uniquement comme « link link », ne fournissant aucune information contextuelle à l'utilisateur.

D'autres publics rencontrent des obstacles : les personnes malvoyantes sont affectées par des images sans texte alternatif (comme le logo Vox Days) ou des liens vides (liens vers les réseaux sociaux des orateurs). De plus, un contraste insuffisant entre le texte gris clair et le fond gris foncé rend la lecture difficile. Pour les sourds et malentendants, les vidéos non sous-titrées ou celles utilisant des sous-titres autogénérés peu fiables (ex: sous-titrage en allemand pour du contenu luxembourgeois) posent un sérieux problème.

L'idée n'est pas de limiter la créativité mais simplement d'adapter le site ou l'application mobile [...] à la situation particulière de chacun.

Enfin, les personnes ayant des troubles cognitifs ou de l'attention peuvent être perturbées par des animations continues sans possibilité de les arrêter, comme sur les cartes interactives des orateurs. Même la navigation au clavier nécessite un focus visible (rectangle noir ou bleu) sur chaque élément interactif, ce qui faisait défaut dans l'exemple, obligeant l'utilisateur à naviguer à l'aveugle.

Pour résoudre ces problèmes, la norme européenne EN 301 549 sert de référentiel. Il s'agit d'un texte normatif, un standard européen harmonisé, dont le titre complet est « Accessibility requirements for ICT Products and Services ». Une norme fournit des spécifications techniques officielles qui permettent de prouver le respect des exigences légales sans alourdir les lois elles-mêmes, car la technologie évolue rapidement.

Deux législations européennes majeures encadrent l'accessibilité. La Web Accessibility Directive rend l'accessibilité obligatoire pour les sites et applications du secteur public depuis 2021. Plus récemment, le European Accessibility Act (EAA) est entré en vigueur, s'intéressant aux produits (matériel informatique, terminaux) et aux services (e-commerce, e-banking). Le respect de cette norme facilite l'accès au marché européen pour tous les États membres.

Le non-respect du EAA peut entraîner des sanctions significatives. Au Luxembourg, par exemple, une non-conformité avérée et récidiviste peut encourir jusqu'à 1 million d'euros d'amende. L'organisme chargé du contrôle pour ces produits et services est l'OSAPS (Office de surveillance de l'accessibilité des produits et services).

La norme EN 301 549, qui a débuté son évolution il y a plus de dix ans, est un document dense de 186 pages. Son unité de base est le critère, une condition technique à vérifier sur un produit ou service IT. Si tous les critères applicables sont validés, le produit est considéré comme conforme. La norme est structurée en plusieurs thématiques, dont la Thématique 9 est entièrement consacrée au web.

Chaque critère possède un identifiant unique et un titre résumant son objectif. Il inclut une précondition, qui détermine si le critère doit être évalué (par exemple, vérifier s'il s'agit bien d'une application de visioconférence). Le cœur est l'évaluation elle-même, souvent complétée par des notes ou des exemples. Pour tester chaque critère, une procédure de test est fournie, regroupée dans l'Annexe C (d'où le préfixe C devant l'identifiant du test, comme C65).

La Thématique 9, dédiée au web, reprend les critères des niveaux A et AA du standard international WCAG (Web Content Accessibility Guidelines). Par exemple, le critère de contraste minimum, souvent problématique pour les utilisateurs malvoyants ou âgés, est directement issu de WCAG 2.1. Les niveaux A sont essentiels (ex: pas d'effet de flash pouvant provoquer des crises d'épilepsie), tandis que le niveau AA (ex: contraste suffisant) est obligatoire mais moins bloquant que le niveau A.

La Thématique 10 concerne les documents non-web, tels que les fichiers bureautiques (Word, Excel) et les PDF, dont une grande partie des documents publics (65 % selon une étude citée) sont inaccessibles aux utilisateurs aveugles. Cette section s'inspire de WCAG to ICT, un guide non normatif, en reprenant les critères A et AA tout en supprimant certains cas jugés trop rares ou difficiles à tester.

Six thématiques de la norme ne proviennent pas directement de WCAG et couvrent des domaines spécifiques. Par exemple, la Thématique 12 concerne la documentation et le support, et la Thématique 13 couvre les services d'urgence (112, 113). Ces critères natifs sont essentiels pour une couverture complète.

Pour évaluer un site web, il est important de savoir que les critères WCAG ne représentent qu'un peu plus d'un tiers des exigences applicables. Le deuxième tiers provient des critères WCAG to ICT (pour les documents non-web), et le dernier tiers est constitué des critères natifs à la norme EN 301 549. Des tableaux annexes fournissent la liste exacte des critères pertinents selon le type de produit évalué (site HTML ou application mobile).

Face à la complexité de la norme, le service luxembourgeois a développé trois référentiels disponibles en open source : RAW web (pour le web), RAM (pour les applications mobiles), et RAPDF (pour les PDF). Ces outils sont des traductions pragmatiques et techniques des critères, fournissant une méthodologie de test détaillée, ce qui limite la marge d'interprétation et assure une cohérence entre différents auditeurs.

Contrairement à la formulation parfois abstraite de la norme, le référentiel local formule le critère sous forme de question avec une réponse binaire (oui/non). La procédure de test est décomposée en étapes précises, allant jusqu'à six étapes détaillées par critère, guidant l'auditeur pas à pas. Le RAW web, par exemple, se base sur la structure du RGAA français, y ajoutant une trentaine de critères supplémentaires pour couvrir l'intégralité de l'EN 301 549.

Bien que des outils automatiques ou semi-automatiques existent, comme Axe-core (implémentant les règles ACT standardisées par le W3C), ils ne permettent de tester qu'environ 30 % des critères, principalement pour le web. Ces outils peuvent générer des faux positifs, nécessitant une vérification humaine. Les experts encouragent la contribution des parties prenantes via la plateforme GitLab de la norme pour affiner les discussions techniques.

En conclusion, l'accessibilité numérique est un droit fondamental et une obligation légale croissante, s'appliquant au secteur public et bientôt au privé via l'EAA. L'outil central pour viser la conformité demeure la norme EN 301 549, bien que l'accompagnement par des experts soit conseillé pour sa mise en musique. Des études européennes récentes indiquent que le secteur public obtient souvent de meilleurs résultats que certains secteurs privés.

La question de l'utilisation des grands modèles de langage (LLM) comme ChatGPT pour contourner des barrières d'accessibilité, telles que la lecture de tableaux complexes ou la résolution de CAPTCHA, est abordée. Bien que ces technologies assistives soient utilisées par des personnes handicapées pour survivre dans un environnement non adapté, il est souligné que cela n'exonère pas la société de sa responsabilité première : construire des systèmes intrinsèquement accessibles dès le départ.

Concernant l'évolution de la norme, la version adaptée à l'EAA est attendue pour mai 2026. De nouveaux critères, comme ceux concernant la taille minimale des boutons ou le « real time text » (affichage caractère par caractère dans les chats), vont entrer en vigueur, poussant l'exigence au-delà des seuls critères WCAG 2.1.