Champions des airs | Les oiseaux | ARTE Family

L'étude des oiseaux a connu une intensification remarquable au cours des cinq dernières années, révélant un monde bien plus complexe qu'il n'était imaginé. Cependant, ces découvertes s'accompagnent d'une tragédie : la disparition de 600 millions d'oiseaux en Europe en seulement quelques décennies, soit 20 % de la population totale. Pour comprendre ces créatures extraordinaires et leur déclin, il est essentiel de remonter à leurs origines profondes, qui remontent à la nuit des temps.

Les recherches paléontologiques précisent l'origine des oiseaux. Dans une carrière près d'Insted, en Allemagne, des fossiles découverts dans une couche de calcaire datant d'environ 150 millions d'années fournissent des indices cruciaux. À cette époque, la Terre était peuplée de dinosaures et de petits mammifères. Roland Pel, chercheur de fossiles, a mis au jour une trouvaille similaire au célèbre Archéoptérix, un dinosaure possédant déjà des attributs aviaires.

Il y a 66 millions d'années, un événement cataclysmique a frappé la planète : l'impact d'une gigantesque météorite. Cet événement a projeté des quantités phénoménales de cendres et de poussières dans l'atmosphère, plongeant la Terre dans l'obscurité pendant des années. Cette extinction de masse a anéanti la plupart des grands dinosaures et des oiseaux forestiers. Seuls quelques oiseaux ont survécu, dont l'Asteriornis, une sorte de poule d'eau qui fréquentait les rives.

L'Asteriornis, c'est son nom, est l'ancêtre d'une grande partie des oiseaux que l'on connaît aujourd'hui.

Cet ancêtre, probablement omnivore se nourrissant d'herbes et de crustacés aquatiques, a pu survivre aux conséquences de l'impact, y compris aux incendies gigantesques. Suite à cette période, les oiseaux survivants se sont rapidement diversifiés, donnant naissance à des espèces de tailles et de formes très variées.

Le site fossilifère de Messel, une mine désaffectée de schistes bitumineux en Allemagne, offre des instantanés remarquables de cette époque, il y a 48 millions d'années, lorsque la région était une forêt subtropicale chaude et marécageuse. Les fossiles d'oiseaux y sont étonnamment bien conservés, comme l'étudie Gerald Mayr au musée d'histoire naturelle de Zenkenberg.

Ce type de vol rapide s'est conservé jusqu'à nos jours, le meilleur exemple étant le faucon pèlerin, véritable avion de chasse à plumes, capable d'atteindre des vitesses de 390 km/h en piqué.

L'évolution du faucon a suivi un schéma très proche de celui de sa proie de prédilection, le pigeon. Une course aux armements s'est produite entre eux, les forçant à évoluer pour voler de plus en plus vite, l'un pour chasser et l'autre pour échapper aux chasseurs.

Pour les très gros oiseaux comme le condor des Indes, pesant environ 15 kg, battre des ailes longuement est trop épuisant. Au fil de son évolution, le condor a développé une stratégie alternative en exploitant les ressources de son environnement. Une fois décollé, il recherche activement les colonnes ascendantes d'air chaud, des ascenseurs naturels qui lui permettent de s'élever sans effort.

D'autres grands oiseaux, traversant de vastes étendues au-dessus des mers ou des terres, volent en escadrille pour des raisons d'efficacité énergétique. Les oies cendrées illustrent parfaitement ce phénomène. Lorsque l'une bat des ailes, les extrémités créent de puissants tourbillons d'air.

En adoptant une formation de vol en V, les oies qui la suivent peuvent surfer sur les turbulences produites par l'individu qui les précède et battre moins souvent des ailes.

Cette formation leur permet d'économiser 20 % d'énergie. Concernant la communication, les étourneaux offrent un spectacle fascinant le soir : les fameuses volutes vivantes appelées 'murmuration'.

Il est maintenant établi que les changements de direction dans ces nuées sont initiés par une poignée d'individus, souvent situés à la périphérie. L'information se propage ensuite à travers la nuée à une vitesse remarquable de 150 km/h. Ainsi, dans un vol de 400 individus, il suffit d'une demi-seconde pour que le groupe entier change de direction.

L'étude des mécanismes de communication et d'évitement des collisions au sein des groupes aériens est menée à l'Institut d'ornithologie Max Planck de Perking, en Allemagne, l'un des organismes scientifiques les plus importants au monde dans ce domaine. Les ingénieurs de ce centre ont développé des microphones miniatures extrêmement performants, pesant moins d'un gramme, qui peuvent être fixés sur les oiseaux pour enregistrer les appels individuels au sein du groupe.

Suzanne Hoffman utilise cette technologie sur des pinsons zébrés équipés de harnais et placés dans une soufflerie. L'expérience a révélé que les appels constants servent à avertir les congénères de leur position, afin d'éviter toute collision. Une telle rencontre pourrait entraîner la rupture d'une aile, une blessure potentiellement fatale, ce qui démontre une complexité communicative bien supérieure aux attentes.

Chez les paons, la longueur de la queue et le nombre d'ocelles chatoyants sont des indicateurs de bonne santé pour les femelles et les autres mâles. Récemment, il a été observé que durant la parade, le mâle émet un signal sonore dans les fréquences ultra-basses en agitant sa queue. Ce son, inaudible pour l'oreille humaine, est parfaitement perçu par les partenaires potentiels, indiquant que la séduction va au-delà du seul aspect visuel.

À l'Institut Max Planck, l'étude du combattant varié révèle une grande disparité entre les femelles ternes et les mâles arborant des coiffes exubérantes de formes et couleurs diverses. Cette variété est liée à une tactique reproductive singulière contrôlée par un supergène. Ce supergène détermine à la fois l'apparence et le comportement nuptial, divisant les mâles en trois variantes.

Les deux autres types de mâles, les indépendants et les satellites, ne font pas la différence et trouvent les feders tout aussi attirants que les femelles.

Chez les mésanges bleues, qui vivent peu de temps, la reproduction est intense. Peter Santema suit des couples et observe que, durant la semaine clé de la reproduction, les partenaires flirtent mais s'éclipsent parfois pour s'accoupler avec des voisins. Cette infidélité est courante ; chez certaines espèces, plus de la moitié de la progéniture n'est pas issue du mâle officiel. Une hypothèse suggère que les femelles s'assurent ainsi un partenaire de secours pour l'élevage.

Parallèlement aux découvertes sur le comportement, la recherche scientifique met en lumière l'impact dévastateur des activités humaines sur les oiseaux. Sur l'archipel des Ligolandes, en mer du Nord, l'augmentation des températures marines modifie la distribution des proies. Les harengs et les maquereaux remontent vers le nord, attirant le fou de bassan, dont la colonie est passée de 1 couple en 1991 à 1500 en 2022.

Cependant, cette modification entraîne des effets négatifs sur d'autres espèces nichant au même endroit. La population de fulmars et de mouettes tridactyles diminue fortement, car les petits poissons dont ils se nourrissent ont déserté les eaux devenues trop chaudes. De plus, les falaises abruptes où ils nichent atteignent des températures trop élevées pour permettre l'incubation des couvées.

Une chose est sûre, les oiseaux sont dans une situation catastrophique. Aux États-Unis, on en compte 3 milliards de moins que dans les années 1970.

L'urbanisation rend la planète de plus en plus bruyante, et cette pollution sonore perturbe gravement les oiseaux. Le chant, essentiel pour marquer le territoire et attirer un partenaire, est affecté. Le bruit ambiant ralentit l'apprentissage du chant chez les juvéniles, qui ne disposent que de quelques mois pour acquérir cette compétence cruciale. Le bruit chronique peut aussi induire un stress capable d'inhiber leur système immunitaire.

Les oiseaux qui migrent de nuit sont mystérieusement attirés par la lumière artificielle, ce qui provoque des collisions mortelles avec les édifices éclairés. Le laboratoire d'ornithologie de Cornell, dans l'État de New York, travaille à trouver des solutions. Benjamin Van Doren et ses collègues utilisent les 155 radars météorologiques répartis aux États-Unis pour capter la densité des vols nocturnes, de manière similaire à l'analyse des masses de pluie.

En compilant les données des 20 dernières années, les chercheurs peuvent établir des prévisions ornitologiques précises. Cela permet d'alerter les populations locales sur les périodes de migration nocturne imminente, afin qu'elles éteignent leurs lumières. Le simple fait d'appuyer sur un interrupteur contribue ainsi à sauver des millions d'oiseaux qui risqueraient de se fracasser sur les vitres.

Malgré le déclin général, certaines espèces s'adaptent bien aux environnements créés par les humains, transmettant ces nouvelles habitudes à leur progéniture. Récemment, l'extraordinaire intelligence de certains oiseaux est de plus en plus mise en lumière, notamment chez les perroquets.

Auguste von Bayern et son équipe étudient la coopération chez les perroquets Jaco. Ces oiseaux rivalisent d'intelligence avec les grands singes. L'équipe a entraîné des perroquets à échanger des jetons contre de la nourriture. Une découverte sensationnelle survient lorsque l'échange est bloqué : un perroquet possédant des jetons les passe à son voisin qui, lui, peut obtenir la nourriture, démontrant un comportement altruiste observé jusqu'alors uniquement chez les hominidés.

C'est une découverte sensationnelle. Jusqu'ici, ce comportement altruiste n'avait été observé que chez les primates de notre famille, les ominidés.

La perruche à collier, originaire d'Asie et d'Afrique, s'est établie en Europe. À Londres, cette population croissante a un impact inattendu sur les faucons pèlerins. Ces derniers, dont la population s'était effondrée à cause du pesticide DDT (interdit depuis les années 1970), ont opéré un rétablissement spectaculaire et se sont adaptés au milieu urbain.

Lorsque les activités humaines délétères sont supprimées, les oiseaux peuvent reconstituer leur population. L'adaptation réussie des perruches et des faucons pèlerins à ce monde en mutation offre un espoir. Néanmoins, pour des millions d'autres espèces qui déclinent inexorablement, la modification des habitudes humaines reste indispensable pour éviter leur disparition définitive.