Valuable insights
1.Un début prometteur et un financement colossal: L'entreprise française Carmat a connu un succès médiatique fulgurant suite à la première greffe de cœur artificiel en 2013, réussissant à lever près de 500 millions d'euros d'investissements initiaux.
2.Ambitions technologiques face aux limites réelles: Le dispositif Carmat visait à imiter parfaitement le cœur biologique pour un remplacement permanent, se distinguant de la technologie pneumatique concurrente, mais rencontrant des défis techniques imprévus lors des essais cliniques.
3.Le dérapage du calendrier initial: Les prévisions de ventes agressives, incluant 50 unités en 2013 et un doublement annuel, se sont avérées irréalistes, retardant l'approbation réglementaire et forçant une réorientation vers une solution temporaire.
4.Obtention tardive de l'autorisation de mise sur le marché: Le marquage CE, essentiel pour la commercialisation dans l'Union européenne, n'a été obtenu qu'en 2020, et uniquement pour une utilisation transitoire en attendant une greffe, et non comme solution définitive.
5.Problèmes de qualité et chaîne d'approvisionnement défaillante: La brève période de commercialisation a été interrompue suite à des problèmes de qualité liés à des fournisseurs qui livraient des pièces imparfaites avec des délais importants.
6.Accélération des implantations sans rentabilité: Malgré une augmentation significative du rythme des implants en 2024 (atteignant 122 au total), l'entreprise affichait des pertes annuelles de 51,4 millions d'euros en 2024.
7.Retrait des soutiens financiers majeurs: Face à l'incapacité de générer des revenus suffisants, des investisseurs cruciaux tels que Truffle Capital, Airbus et la BPI ont cessé leurs financements, la BPI exprimant publiquement ses regrets.
8.Faillite et procédure de redressement en 2025: L'incapacité à réunir les fonds d'urgence a conduit Carmat à se déclarer en cessation de paiement le 30 juin 2025, entraînant l'effondrement de son cours boursier à moins de 10 centimes.
Introduction : Miracle médical et désillusion
En décembre 2013, l'entreprise française Carmat, fondée par le chirurgien de renommée mondiale Alain Carpentier, réalise un exploit en greffant un cœur artificiel à Claude Danny. Cet événement déclenche un emballement médiatique et attire des financements considérables, atteignant un total d'environ 500 millions d'euros. Cependant, treize années plus tard, la réalité est sombre : seulement 122 patients ont bénéficié de cette technologie. L'entreprise, incapable de tenir ses promesses, se retrouve en cessation de paiement en juin 2025, nécessitant d'urgence 3,5 millions d'euros pour survivre jusqu'à la fin du mois de juin.
L'éclat initial et la comparaison avec l'innovation
Christian Latrimouille, chirurgien cardiaque ayant opéré le premier patient, souligne l'incroyable performance technologique et chirurgicale de l'époque. Il compare cette avancée à l'émergence d'un produit révolutionnaire sur le marché, marquant un saut technologique majeur dans le domaine cardiovasculaire, nécessitant une validation clinique rigoureuse.
Je comparais à l'automobile, c'est c'est la Tesla actuelle. Vous voyez, on est vraiment à la pointe de toutes les technologies.
Chapitre 1 - Un engouement à 180 BPM
L'histoire de Carmat débute dans les années 90 avec la rencontre entre Alain Carpentier et Jean-Luc Lagardère, alors patron du groupe industriel Matra. Lagardère soutient activement les recherches, permettant à une petite équipe d'ingénieurs de travailler en secret sur le prototype au sein de Matra, avant que l'entreprise ne soit absorbée par Airbus en 2000. Patrick Colombier, qui rejoint le projet en 2001, explique que ce développement confidentiel, surnommé un "black programme", était nécessaire pour disposer du temps requis pour la recherche et pour éviter d'attirer l'attention de la concurrence, notamment celle d'outre-Atlantique.
Le financement initial et l'entrée en bourse
L'entreprise est officiellement dévoilée en 2008. Son financement repose sur trois piliers principaux, en plus du soutien étatique. L'État, via Oseo (ancêtre de la BPI), accorde une aide publique record de 33 millions d'euros à cette PME. Pour continuer à lever des fonds et financer les essais sur animaux, l'entreprise choisit d'entrer en bourse en 2010.
- Airbus (alors EADS)
- La fondation d'Alain Carpentier
- Le fonds français Truffle Capital
La supériorité technologique visée
L'ambition de Carmat dépassait largement les solutions existantes, comme la prothèse de l'entreprise américaine SynCardia, qui utilisait un fonctionnement pneumatique et servait uniquement de solution provisoire. Carmat cherchait à remplacer totalement le cœur humain en mimant son fonctionnement biologique, y compris le pouls, et en utilisant une enveloppe naturelle pour diminuer le risque de caillots sanguins, répondant ainsi au manque critique de donneurs pour les greffes.
Je me souviens plus ce qu'avait été l'implantation du premier greffon par le professeur Barnard en Afrique du Sud, mais je crois que ça a été quelques jours.
Des projections commerciales irréalistes
Malgré le succès technique de la première opération, qui a permis au patient de survivre 74 jours, la suite s'est avérée beaucoup plus complexe. Patrick Colombier a admis ultérieurement avoir péché par excès d'optimisme concernant ce calendrier initial, une surestimation qui allait coûter cher à l'entreprise.
Chapitre 2 - Le calendrier dérape
Le deuxième patient implanté en août 2014 est décédé neuf mois après l'installation de la prothèse en raison d'un défaut de l'appareil, forçant un changement d'objectif. Le cœur Carmat est alors repositionné comme un "pont à la transplantation", destiné à supporter le circuit sanguin du patient en attente d'un greffon, plutôt qu'une solution permanente. Les troisième, quatrième et cinquième patients subissent des sorts similaires, menant à la suspension temporaire de l'essai clinique.
L'obtention tardive du marquage CE
Cette suspension a eu des répercussions commerciales graves. L'entreprise, qui avait promis le marquage CE aux actionnaires dès 2010, ne l'obtient qu'en 2020. Même dans ce cas, il s'agit d'un demi-succès, car l'autorisation ne couvre que la vente de la prothèse comme solution temporaire à la greffe humaine. Entre 2013 et 2021, seulement 19 patients bénéficient de la prothèse, avec des durées de survie inégales dans les différents pays d'implantation.
Il a fallu que le produit devienne totalement mature. C'est un peu comme la première voiture. Il a fallu que les gens aient des problèmes de direction, des problèmes avec leurs roues et cetera, pour qu'on remédie à ces problèmes.
L'accélération et la crise de trésorerie
- Juillet 2021 : Première vente hors essai clinique, la prothèse étant commercialisée aux alentours de 150000 €.
- Interruption rapide de la commercialisation due à des problèmes de qualité avec les fournisseurs.
- 2024 : Accélération de l'activité, avec une cinquantaine de patients implantés sur l'année.
L'accélération n'a pas suffi à masquer la précarité financière. En 2024, le chiffre d'affaires n'atteint que 7,5 millions d'euros, soit la moitié de l'objectif, tandis que les pertes annuelles s'élèvent à 51,4 millions d'euros. Cette situation critique provoque le retrait progressif des investisseurs, notamment Truffle Capital en 2020, Airbus en 2024, et enfin la BPI en 2025.
C'est malheureux, mais carat, on n'y a jamais cru. Ça permet de dire aussi quel est notre métier. Notre métier, c'est de dire non même quand c'est super sympa.
Critiques sur la gestion et le marché
Des critiques inédites émergent, pointant un marché initialement surestimé et une prothèse jugée trop volumineuse, excluant de fait certains patients, notamment des femmes. La gestion interne est également mise en cause pour son opportunisme et sa concentration excessive sur les résultats financiers à court terme, au détriment de la mission médicale initiale.
J'étais venu chez Kmat pour la promesse médicale mais j'ai constaté qu'il y avait de la cupidité et une trop forte préoccupation pour des gains financiers de court terme.
Conclusion : L'arrêt cardiaque de l'entreprise
En 2025, Carmat se retrouve au bord de l'abîme. Le directeur lance un appel désespéré sur YouTube, requérant 3,5 millions d'euros d'ici fin juin pour éviter l'arrêt total de l'activité, mais ne récolte que 19000 €. Les tentatives de solliciter l'Élysée et la Banque européenne d'investissement restent infructueuses, scellant le destin de la pépite déchue.
L'effondrement boursier et la procédure judiciaire
Le cours de l'action s'effondre, menant Carmat à déclarer cessation de paiement le 30 juin 2025 et à demander une procédure de redressement judiciaire, suspendant sa cotation. Seul Pierre Bastide, actionnaire et président du conseil d'administration, se manifeste comme repreneur potentiel, proposant d'injecter 150 millions d'euros sur cinq ans. Cependant, après trois mois de recherche, il échoue à trouver des co-investisseurs pour soutenir son offre.
L'entreprise devrait être rapidement mise en liquidation judiciaire. Les actionnaires perdront vraisemblablement l'intégralité de leurs investissements, et les créanciers perdront leurs avances. Le sort des 24 patients encore sous surveillance avec le cœur Carmat demeure incertain, bien qu'un accompagnement soit promis jusqu'au dernier patient transplanté.
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