Apprentissages : comment mieux apprendre ? | 30' Santé | #memoire #RéussiteScolaire

L'apprentissage, concept central abordé dans cette émission de 30 minutes santé de l'INCERME, implique un changement et l'acquisition de nouvelles connaissances ou compétences. Des sondages menés auprès d'élèves révèlent une diversité de méthodes personnelles, allant de l'utilisation de flashcards à l'enregistrement audio pour la révision nocturne. Les experts Grégoire Borst, professeur en psychologie du développement et neurosciences cognitives de l'éducation, et Anna Coudard, responsable de la Cardie de l'Ami de Paris, introduisent le sujet en soulignant la complexité du processus.

La recherche identifie rapidement quatre piliers essentiels à l'apprentissage : l'attention, l'engagement actif, le retour d'information et la consolidation des acquis. Cependant, il est crucial de ne pas limiter l'apprentissage à ces seuls éléments. D'autres facteurs, tels que la régulation des émotions et la maîtrise des stratégies utilisées, constituent également des prédicteurs significatifs de la réussite scolaire, s'appliquant uniformément à toutes les disciplines, des mathématiques à l'histoire.

Le fondement scientifique de l'apprentissage réside dans la neuroplasticité, désignant les modifications de la structure et du fonctionnement cérébral induites par toute nouvelle connaissance. Cette plasticité est maximale durant les vingt à vingt-cinq premières années de la vie, période de croissance et de maturation. Bien qu'elle diminue ensuite, elle demeure active, mais les acquisitions demandent alors davantage d'efforts et de temps pour se concrétiser.

Ces mécanismes scientifiques se traduisent par des gestes pédagogiques précis. Les enseignants mettent en œuvre des questions régulières pour maintenir l'attention et enclencher la mémorisation. La programmation annuelle doit intégrer des rappels espacés sur des notions vues antérieurement. De plus, fournir des objectifs d'apprentissage explicites et des feedbacks réguliers permet aux élèves d'ajuster leurs stratégies d'étude.

« Trop de couleurs, trop de petits dessins, trop de choses, en fait ça perturbe le message. »

L'apprentissage est intrinsèquement lié à la mémorisation, y compris pour les compétences automatisées comme la capacité à faire du vélo, qui mobilise la mémoire procédurale. Il est essentiel de ne pas considérer la mémorisation comme un acquis naturel. L'exemple des poésies montre que les élèves procèdent souvent par essai-erreur pour trouver leur propre méthode, alors que les enseignants ne transmettent que rarement des stratégies efficaces.

Une approche bien plus performante consiste à enseigner explicitement des stratégies éprouvées. La méthode des lieux, connue depuis l'Antiquité, illustre cette approche en demandant la création d'images mentales pour organiser l'information. Le système éducatif actuel ne valorise pas suffisamment l'enseignement systématique de ces techniques, se concentrant uniquement sur l'objectif final (réciter la poésie) sans enseigner d'abord la technique pour y parvenir.

L'inégalité face aux apprentissages n'est pas monolithique ; elle résulte d'une interaction complexe entre la variabilité génétique et les contextes environnementaux qui entraînent des mécanismes épigénétiques. Les facteurs génétiques sont souvent à l'origine des troubles du neurodéveloppement, comme la dyslexie ou la dyspraxie, qui affectent le fonctionnement cérébral dès la naissance pour une proportion significative de cas.

Les milieux sociaux défavorisés exposent davantage les enfants au stress chronique lié à l'instabilité (logement, emploi). Ce stress impacte directement le cerveau en développement, notamment en affectant la qualité du sommeil. Or, le sommeil joue un rôle fondamental dans les mécanismes de neuroplasticité et le maintien des informations mémorisées. Par conséquent, perturber le sommeil des enfants affecte directement leur capacité d'apprentissage.

Les mathématiques constituent un outil culturel transmis par l'école, et il n'existe pas d'héritabilité directe des capacités mathématiques. Il est fondamental de déconstruire l'idée reçue qu'une prédisposition génétique détermine la réussite ou l'échec dans cette matière. Le principe d'éducabilité, selon lequel tout individu peut progresser, repose sur cette conviction que l'on peut agir sur les apprentissages, y compris en mathématiques.

Les différences observées entre garçons et filles en mathématiques sont attribuables à des constructions sociales et des biais implicites liés au genre, et non aux chromosomes X et Y. Les données administratives montrent que les filles sont, en moyenne, meilleures que les garçons en compétences mathématiques à l'entrée en maternelle. L'inversion des performances commence au CP, s'accentuant avec le temps en raison des représentations sociétales.

« À partir du moment où l'on dit à une fille que le test n'est pas un test de mathématiques, mais un test de dessin, elles ont des performances aussi bonnes voire meilleures que celles des garçons. »

Pour atténuer ces inégalités, l'approche pédagogique doit viser des objectifs ambitieux pour tous les élèves tout en éliminant les exigences implicites. Il est impératif que l'élève comprenne l'objectif d'apprentissage sous-jacent à chaque activité, distinguant l'action concrète (colorier une carte) de la compétence visée (géographie).

Un élément clé pour le bien-être et l'engagement futur de l'élève est de lui permettre de se tester régulièrement et de se positionner sur sa propre courbe d'apprentissage, plutôt que d'être constamment comparé aux autres. Cette approche par paliers favorise les situations de réussite, encourageant l'élève à s'engager davantage dans les objectifs suivants.

L'intégration de la gestion des émotions dans le programme scolaire, effective dès la rentrée 2025, reconnaît leur rôle essentiel. Les émotions ne sont pas néfastes en soi ; les émotions épistémiques comme l'intérêt ou la curiosité soutiennent l'engagement. Inversement, les ruminations mentales dues à l'anxiété ou à la peur de l'échec accaparent une partie de l'attention, rendant l'élève moins disponible pour l'apprentissage.

La régulation des émotions est une compétence psychosociale clé, qui s'inscrit dans un ensemble plus large incluant des compétences cognitives (identifier ses buts) et sociales (gestion des conflits). Pour réguler efficacement, cinq étapes sont nécessaires : identifier ses émotions, comprendre leurs causes, les exprimer de manière constructive, réguler leur intensité (augmenter le positif, diminuer le négatif), et enfin, utiliser ces émotions pour prendre des décisions éclairées.

Pour aider les enfants à gérer l'intensité émotionnelle, des outils simples peuvent être transmis aux parents. La respiration lente et profonde, ou cohérence cardiaque (cinq secondes d'inspiration, cinq secondes d'expiration), diminue la réactivité physiologique au stress. Des exercices spécifiques, comme la respiration de la main, permettent aux jeunes enfants de s'approprier ces mécanismes d'apaisement en autonomie.

Le travail de la Cardie vise à créer un dialogue entre le monde de la recherche et les professionnels de l'Éducation Nationale, facilitant l'acculturation mutuelle. Les chercheurs accompagnent les équipes pédagogiques pour affiner et évaluer des stratégies innovantes, notamment via les parcours de formation continue, ce qui constitue un levier d'amélioration du bien-être et de la réussite des élèves.

La recherche a permis de confirmer que certaines pratiques courantes sont inefficaces. Dire à un élève de se concentrer n'a pas d'effet ; il faut structurer la tâche pour focaliser l'attention, par exemple en posant la question clé avant de présenter les données. De plus, la théorie des styles d'apprentissage (visuel vs auditif) n'est pas validée ; multiplier les canaux d'information est la méthode la plus efficace pour l'inscription mémorielle.

« L'importance de l'effet maître, de l'effet enseignant. Et je crois que ça c'est formidable pour les enseignants parce que les recherches ont montré à quel point ils ont une influence sur la réussite et le bien-être de leurs élèves. »

La métacognition englobe les connaissances des élèves sur leurs propres processus d'apprentissage et les stratégies efficaces associées. Elle se déploie en trois compétences majeures : la planification (réfléchir à la procédure avant l'activité), la supervision (ajuster la procédure en cours d'exécution) et l'évaluation (juger de l'efficacité de la stratégie employée, et non seulement du résultat obtenu).

Des classes, comme celle de CE1 observée, intègrent la métacognition quotidiennement, rappelant aux élèves qu'ils doivent muscler leur cerveau. En forçant les élèves à chercher dans leur mémoire comment ils ont traité une information précédemment, on les aide à accéder à ces connaissances stockées. Proposer des outils aux enseignants pour favoriser la réussite des élèves, même en difficulté, est un facteur d'adhésion généralisé à ces dispositifs.

La métacognition se développe également à la maison par des pratiques parentales de tutelle. L'adulte qui enseigne explicitement une stratégie efficace, comme commencer un puzzle par les bords et les coins, intervient directement dans le développement de ces capacités. Cette pédagogisation de la vie quotidienne est plus fréquente dans les milieux favorisés, soulignant l'enjeu pour l'école de compenser ces inégalités initiales, car la métacognition est hautement prédictive de la réussite scolaire.