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    2. Les structures fondamentales des sociétés humaine par Bernard Lahire

    Valuable insights

    1.Hommage aux 150 ans des sciences sociales: L'ouvrage rend hommage à un siècle et demi de travaux en sciences sociales, cherchant à identifier des lois générales malgré la fragmentation disciplinaire actuelle.

    2.Stagnation et manque de cumulativité: De nombreux chercheurs en sciences sociales doutent de la possibilité de formuler des lois ou d'accumuler des acquis, contrairement à d'autres disciplines scientifiques établies.

    3.Preuves par la convergence inter-sociétale: L'apparition simultanée et indépendante d'inventions majeures (agriculture, écriture, hache) dans des sociétés sans contact prouve l'existence de lois générales structurant le social.

    4.Nécessité de la comparaison inter-sociétale: Pour comprendre les sociétés modernes, il est impératif de les comparer avec des formes radicalement différentes, comme les sociétés de chasseurs-cueilleurs, afin de dégager les invariants.

    5.L'apport crucial de la comparaison interspécifique: L'étude des sociétés non humaines via l'éthologie révèle des invariants comportementaux et organisationnels qui aident à définir ce qui est propre à l'espèce humaine.

    6.L'altricialité secondaire façonne la socialité: La dépendance extrême des nourrissons humains, due à l'encéphalisation, force une socialisation intense et communautaire, nécessaire à la survie et au développement culturel.

    7.Universalité des rapports de domination: Des rapports de domination constants sont observés dans toutes les sociétés documentées: parents sur enfants, aînés sur cadets, et hommes sur femmes, liés à la vulnérabilité initiale.

    8.La guerre comme constante interspécifique: Les conflits armés collectifs ne sont pas une nouveauté humaine, mais une logique observée également chez les chimpanzés et les fourmis, démontrant des lois de fonctionnement du 'nous' contre 'eux'.

    Remerciements et genèse personnelle

    L'intervention débute par l'expression de remerciements à Jean-Paul Nobecourt et à la Confluence des Savoirs, ainsi qu'au Musée des Confluences pour cette invitation. L'auteur exprime sa joie d'associer son travail aux collections africaines du musée, réalisant ainsi un rêve d'enfant nourri par l'intérêt pour la préhistoire et l'anthropologie. Cette situation est rendue particulière par la présence d'anciens professeurs, suscitant une tension notable chez l'intervenant, Lyonnais de naissance et ayant effectué ses études dans la ville.

    Statut académique et conditions de travail

    L'auteur précise son statut actuel de directeur de recherche au CNRS depuis quatre ans, statut qui a permis la concrétisation de cet ouvrage exigeant. La réalisation d'un livre de synthèse aussi conséquent requiert beaucoup de lecture et de contacts interdisciplinaires, un temps que l'université ne permet plus de dégager. La pandémie et les confinements ont paradoxalement offert ce temps nécessaire, permettant de se concentrer sur le projet tout en conservant l'accès aux données via les revues électroniques.

    La genèse de l'ouvrage et la critique des sciences sociales

    L'ouvrage intitulé « Structures fondamentales des sociétés humaines » est présenté comme un hommage rendu à 150 ans d'histoire des sciences sociales. L'idée centrale est que les sciences sociales, bien que très inventives et rigoureuses dans leurs secteurs spécifiques (sociologie, anthropologie, histoire), peinent à cumuler les acquis et manquent d'ambition pour formuler des lois générales. L'auteur inclut volontiers l'économie dans cette catégorie, tant que celle-ci traite des faits sociaux, précisant que le terme sociologie est utilisé par défaut en raison de sa formation.

    Le rejet de l'invariance et de la cumulativité

    L'idée de chercher des invariants fut un temps associée au structuralisme, mais elle est mal vue depuis des décennies, conduisant au rejet de la cumulativité et du progrès possible dans ces domaines. L'auteur est en désaccord total avec des figures comme Jean-Claude Passeron sur ce point, estimant que ce rejet rapproche les sciences sociales de la sortie de la science. Un argument courant contre la science est que l'objet d'étude (la société) bouge constamment, ce qui, selon Max Weber, condamnait ces sciences à rester « éternellement jeunes ».

    « Sommes-nous condamnés comme de nouvelles Danaïdes à remplir sans fin le tonneau des sciences humaines en tassant en vain monographie sur monographie sans jamais recueillir un résultat plus riche et plus durable ? »

    Cette citation, tirée d'un texte de Lévi-Strauss antérieur à *Anthropologie structurale*, illustre la problématique de l'absence de progression scientifique dans les sciences humaines, comparée au mythe de Sisyphe ou des Danaïdes. L'ouvrage vise donc à proposer une démarche permettant de dépasser cette impasse.

    Lois générales des sociétés et convergence

    En sortant des domaines de spécialité, comme la sociologie de l'éducation ou de la culture, et en explorant la préhistoire ou la paléoanthropologie, l'auteur observe des phénomènes de convergence frappants dans l'histoire des sociétés. Ces convergences se manifestent par l'apparition des mêmes techniques, institutions ou activités dans des sociétés géographiquement et temporellement éloignées, suggérant que ces développements sont dictés par des logiques internes indépendantes des contacts culturels.

    Exemples de l'apparition indépendante d'inventions

    Ces convergences prouvent que les sociétés ne se développent pas de manière aléatoire, mais sont travaillées par des lois très générales qui aboutissent à des résolutions similaires face à des problèmes communs. L'auteur cite de nombreux exemples concrets qui ont été documentés, prouvant cette indépendance des inventions collectives.

    • Invention de la hache et de la lance sous des formes très proches.
    • Apparition de la poterie et des préoccupations esthétiques dans les artefacts.
    • Développement indépendant de l'agriculture dans différentes zones terrestres.
    • Invention de l'écriture dans des foyers distincts (Sumérien, Égypte, précolombien).
    • Apparition de la forme étatique.

    Parallèles avec la biologie évolutive

    Ces convergences sont également notées en biologie évolutive, où des solutions évolutives identiques apparaissent indépendamment face aux mêmes contraintes environnementales, comme la forme de certains cactus dans le désert mexicain et africain. Cela réfute l'idée que tout dans l'évolution serait purement aléatoire, suggérant que des lois déterminent les résultats possibles, même si les mécanismes ne sont pas entièrement connus.

    La comparaison inter-société pour la compréhension

    Le premier type de comparaison proposé est la comparaison inter-sociétale humaine, un projet poursuivi par l'anthropologue Al Testar. Testar défendait une vision évolutionniste non linéaire, affirmant que les sociétés ne passent pas nécessairement du simple au complexe de manière uniforme. Pour comprendre les sociétés modernes, même capitalistes, il est essentiel de les confronter à des sociétés radicalement différentes, telles que les Nambiwara ou les sociétés de chasseurs-cueilleurs.

    « on ne peut rien comprendre à nos sociétés si on les compare pas avec des sociétés radicalement différente. »

    Cette démarche comparative permet de saisir à la fois ce qui distingue une société et ce qu'elle partage avec d'autres. L'auteur insiste sur le fait que les chercheurs ne lisent pas suffisamment les travaux produits dans d'autres disciplines. Il est crucial pour les sociologues de lire les historiens, les anthropologues et les préhistoriens pour reconnecter les savoirs et éviter de recommencer le travail d'analyse à zéro à chaque fois.

    La comparaison interspécifique et l'éthologie

    La deuxième comparaison nécessaire est la comparaison interspécifique, afin de déterminer les singularités générales propres à toutes les sociétés humaines. Cela exige de reconnaître l'existence de sociétés non humaines, ce qui peut dérouter les sociologues habitués à penser que « social = social humain ». Cependant, depuis environ sept décennies, l'éthologie étudie les structures sociales non humaines, révélant des analogies significatives, surtout en remontant vers nos cousins primates.

    Analogies et structures sociales animales

    Les éthologues, formés en biologie mais agissant comme sociologues des sociétés animales, mettent en lumière des problèmes d'organisation sociale similaires, incluant des faits hiérarchiques ou des dominations. Les humains sont décrits comme étant « ultra-sociaux », bien plus que les chimpanzés, dont les groupes sont caractérisés par une structure de « fission-fusion » instable, contrairement aux sociétés humaines qui sont plus intégratives.

    Les facettes comportementales fondamentales de l'humain

    Le paléoanthropologue Yves Copans affirmait que l'homme est homme dès qu'il est homme, possédant immédiatement toutes ses facettes comportementales (cognitives, esthétiques, éthiques). Bien que l'auteur critique l'idée d'un affinement permanent (les systèmes de parenté aborigènes étant très complexes), il confirme que dès l'étude d'Homo sapiens ou de Néandertal, des constantes apparaissent.

    Caractéristique
    Présence documentée
    Souci esthétique
    Partout où la documentation le permet
    Aspect magico-religieux
    Présent dans les premières formes sociales
    Rapports de domination
    Universel, notamment des hommes sur les femmes

    Corrélation entre propriétés biologiques et socialité

    Un point central du raisonnement convoque la biologie évolutive: certains traits biologiques propres à l'espèce ont eu des conséquences sociales. L'auteur insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas de réduire le social au biologique, maintenant une perspective durkheimienne où les niveaux de complexité du réel doivent être respectés. Cependant, penser en termes de corrélations entre le social et les propriétés biologiques est essentiel et a été trop souvent évacué.

    Traits anthropologiques majeurs

    • Le fait de l'altricialité secondaire (dépendance extrême à la naissance).
    • La séparation des deux sexes (non universelle dans le vivant).
    • La socialité très élevée de l'espèce humaine, surpassant même les chimpanzés.

    L'historicité est également une caractéristique, bien que les premières sociétés aient connu une histoire très ralentie. Pendant des centaines de milliers d'années, Homo sapiens a produit des outils et des armes d'un type très similaire, comparable à la constance des techniques observées chez les chimpanzés pour casser des noix ou attraper des fourmis. Il faut donc éviter d'interpréter l'histoire humaine uniquement à travers l'accélération récente.

    L'altricialité secondaire et ses implications sociales

    L'altricialité secondaire, terme emprunté au zoologiste Adolf Portman, décrit le mode de développement où le petit humain naît sans compétence, sans tonus musculaire, dépendant entièrement des soins pour survivre. Cette dépendance est très longue et s'est même accrue avec l'accumulation culturelle, car le petit doit non seulement se développer biologiquement mais aussi apprendre une culture de plus en plus vaste. Cette situation physique résulte de contraintes liées à l'encéphalisation élevée de l'espèce, le bassin féminin étant trop étroit pour permettre une gestation plus longue.

    Conséquences de la dépendance prolongée

    Cette dépendance extrême conduit à une ultra-socialité. L'accouchement lui-même est socialisé et collectif, car une femme seule court un grand risque. De plus, l'éducation des enfants est communautaire, illustrée par le proverbe : « Il faut tout un village pour élever un enfant ». Ce besoin collectif de prise en charge institutionnalisée (crèches, grands-mères, pédiatres, psychologues) est nécessaire pour supporter la charge cognitive et émotionnelle.

    Conséquence Biologique/Culturelle
    Impact Social Direct
    Forte encéphalisation
    Plasticité cérébrale et capacité d'apprentissage tout au long de la vie
    Vulnérabilité du petit
    Préférence marquée pour le groupe ('nous') et hyperprotection des apparentés
    Dépendance parentale inévitable
    Rapports universels de domination des parents sur les enfants

    Les rapports de domination universels

    L'altricialité conditionne des rapports de pouvoir fondamentaux. La domination des parents sur les enfants est universelle, même chez les parents bienveillants, car les petits sont totalement vulnérables. De même, la domination des vieux sur les jeunes (gérontocratie) était la norme dans la majorité des sociétés documentées. Enfin, les rapports hommes-femmes sont souvent structurés sur le modèle parent-enfant, les femmes étant traitées comme des cadettes même lorsqu'elles sont aînées de leurs frères.

    Les grandes lois interspécifiques : Guerre et Xénophobie

    La guerre est présentée comme une constante dans l'histoire humaine. Contrairement à l'hypothèse d'un pacifisme initial, des conflits armés collectifs existaient dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs. La différence majeure avec les sociétés actuelles réside dans la technologie: avec des lances et des massues, on faisait moins de morts, mais la logique de conflit est la même. Les sociétés technologiquement avancées possèdent simplement une puissance de destruction accrue.

    Logiques de groupe et xénophobie comparées

    En examinant les travaux des éthologues, notamment les primatologues comme Jane Goodall, on observe des formes de guerre chez les chimpanzés, incluant la surveillance des frontières et la décimation systématique de groupes rivaux. Bernard Chappet affirme qu'il n'y a pas d'espèce plus xénophobe que le chimpanzé. Cette logique du 'nous' contre 'eux' est également observée chez d'autres espèces, comme les fourmis, où les membres d'une colonie sont identifiés par un marqueur chimique et les étrangers sont tués.

    La mise en commun de ces observations à travers les espèces révèle de grandes lois de fonctionnement qui interpellent profondément l'humanité, montrant que les conflits armés et la xénophobie ne sont pas des phénomènes récents ou spécifiquement humains, mais des logiques profondément ancrées.

    Questions

    Common questions and answers from the video to help you understand the content better.

    Pourquoi les sciences sociales peinent-elles à accumuler des acquis selon Bernard Lahire ?

    Elles peinent car de nombreux chercheurs rejettent l'ambition de formuler des lois générales ou d'établir une cumulativité des connaissances, préférant souvent rester dans des domaines de spécialité très étroits.

    Qu'est-ce que le phénomène de convergence dans l'histoire des sociétés humaines ?

    La convergence est l'apparition simultanée et indépendante des mêmes techniques (comme la hache ou la poterie) ou institutions (comme l'agriculture ou l'état) dans des sociétés qui n'ont eu aucun contact culturel entre elles.

    Quel est le rôle central de l'altricialité secondaire dans l'organisation sociale humaine ?

    L'altricialité secondaire, caractérisée par une dépendance infantile extrême due à la taille du cerveau, force une socialité très forte, une éducation communautaire et établit des rapports de domination universels nécessaires à la survie du jeune.

    Comment la comparaison interspécifique aide-t-elle à comprendre les invariants humains ?

    En comparant les structures sociales humaines avec celles des primates ou d'autres espèces étudiées par l'éthologie, il devient possible d'isoler les constantes comportementales propres à l'humanité, qui ne seraient pas apparentes en restant uniquement dans l'étude des sociétés humaines.

    La guerre est-elle une invention récente des sociétés modernes selon l'ouvrage ?

    Non, la guerre et les conflits armés collectifs sont une constante dans l'histoire humaine. Les sociétés anciennes pratiquaient des conflits similaires, mais leur technologie limitée entraînait un nombre de morts moins élevé qu'avec les artefacts modernes.

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