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    16. Quelles architecture publique au XIX siècle dans les villes moyennes et les petites villes?

    Valuable insights

    1.Vaste étendue de l'architecture publique XIXe: Le champ d'étude de l'architecture publique au XIXe siècle dans les villes moyennes et petites englobe près de quarante mille communes, rendant l'approche globale extrêmement difficile.

    2.Fixation tardive de la notion de ville: La distinction administrative entre ville et village n'est clairement établie qu'à partir de 1846, la limite étant fixée à deux mille habitants pour être considérée comme une ville.

    3.Moteurs principaux de la production architecturale: La construction est principalement motivée par des décisions législatives successives, comme la création des départements ou les lois sur l'enseignement obligatoire, ainsi que par la vétusté des structures préexistantes.

    4.Complexité du financement communal: La production architecturale représente un poids budgétaire colossal, nécessitant souvent le recours à des impositions extraordinaires sur les contributions directes, avec des processus d'autorisation nationaux très rigides.

    5.Le rôle des architectes départementaux: Les concours sont rares dans les arrondissements ; les préfets privilégient l'architecte départemental, souvent un fonctionnaire de second ordre, ce qui garantit parfois une qualité moindre par rapport aux diplômés des Beaux-Arts.

    6.L'impact de la formation sur la qualité: L'absence de diplôme d'architecte avant 1867 et la réticence des architectes bien formés à s'installer en province ont conduit à des réalisations hétérogènes, parfois menées par des ingénieurs rationalistes.

    7.Dénaturation entre projet et achèvement: Les projets approuvés subissent fréquemment des modifications importantes lors de la construction, comme l'illustre le palais de justice d'Alès où des éléments stylistiques majeurs ont été supprimés pour des raisons budgétaires ou stylistiques.

    8.Logique de nécessité vs. volonté somptuaire: Contrairement aux grandes villes qui visaient le prestige, l'architecture publique des petites agglomérations répond à une logique de nécessité fonctionnelle, ce qui explique leur valeur esthétique souvent limitée et leur obsolescence rapide.

    Introduction et Définition du Cadre d'Étude

    L'étude de l'architecture publique au XIXe siècle dans les villes moyennes et petites représente un défi méthodologique en raison de l'ampleur du domaine. Les chiffres évoqués suggèrent un champ d'investigation couvrant des centaines d'arrondissements et près de quarante mille communes, toutes dotées d'une production architecturale significative durant ce siècle. L'orateur limite volontairement son propos au XIXe siècle, les corpus d'étude pour la période suivante étant jugés trop légers. Il est également souligné que ces domaines n'ont pas toujours suscité l'intérêt des historiens d'art en priorité, ce qui complexifie la recherche et justifie une approche davantage interrogative que définitive.

    Détermination des seuils administratifs

    La notion même de ville moyenne ou petite est délicate à définir administrativement au XIXe siècle. Les enquêtes suivant la Révolution n'ont pas établi de normes claires concernant le classement des agglomérations. La fixation de la limite entre ville et village ne s'opère véritablement qu'à partir de 1846, retenant le seuil de 2000 habitants agglomérés au chef-lieu pour définir une ville. Pour l'échantillon retenu dans cette étude, le panel s'étend des villes de 2000 habitants jusqu'à environ 30000 habitants, les nécessités et les moyens des villes dépassant ce seuil étant considérablement différents.

    Les Impulsions Législatives et Techniques

    Le contexte de cette production architecturale publique est marqué par des étapes successives motivées par des impératifs administratifs et techniques. Les décisions législatives post-révolutionnaires constituent un moteur fondamental, notamment la création des départements en 1790 et l'organisation du corps préfectoral à partir des lois napoléoniennes de 1807. Ces changements ont engendré un besoin impérieux de locaux pour accueillir les nouvelles administrations, telles que les préfectures, sous-préfectures et les tribunaux d'instance, ainsi que les services induits comme les brigades de gendarmerie.

    Évolution des besoins éducatifs et fonctionnels

    • Les constructions scolaires, suivant les lois sur l'enseignement obligatoire, de la loi de 1833 jusqu'aux lois Ferry de 1883.
    • Le remplacement des édifices anciens devenus vétustes ou inadaptés, comme certains hôtels de ville (maisons communes) ou établissements de charité.
    • L'évolution des conceptions relatives à l'hygiène et à la santé, nécessitant de nouvelles constructions hospitalières.
    • Les besoins induits par les progrès techniques, particulièrement ceux liés au développement du chemin de fer.

    La demande s'étendait également à une petite architecture essentielle à la vie urbaine, incluant les halles, les marchés, les haras ou les casernes. Ces édifices, bien que modestes en proportion des capitales, ont marqué le paysage architectural des petites agglomérations, posant la question de la capacité de ces dernières à répondre à une tâche colossale.

    Le Défi du Financement des Édifices Publics

    La production architecturale publique représentait un poids financier extrêmement lourd pour les budgets des petites agglomérations. À titre d'exemple, les ressources annuelles totales d'une ville moyenne d'environ 15000 habitants au milieu du siècle pouvaient se situer entre 100 000 francs et 200 000 francs. Le coût d'une simple église pour une ville de moins de 15000 habitants, estimé autour de 120 000 francs selon le Comité des édifices du culte de 1853, pouvait ainsi absorber l'ensemble des recettes annuelles.

    « La production architecturale pèse vraiment très lourd sur les budgets, c'est vraiment quelque chose sur lequel il faut insister. »

    Mécanismes complexes d'imposition et d'emprunt

    • Subventions de l'État ou du département pour leur part de responsabilité.
    • Produit d'imposition extraordinaire sur les contributions directes, consenties pour une durée limitée.
    • Recours aux emprunts validés au plan national, souvent gérés par la Caisse des Dépôts et Consignations.

    Face à ces contraintes, les municipalités recouraient parfois à des impositions extraordinaires, comme l'obligation votée en 1836 d'ajouter des centimes additionnels sur les quatre contributions directes pour financer les grands chantiers. Pour les programmes spécifiques comme les écoles, la loi de 1878 créa la caisse des écoles pour mutualiser les dépenses à l'échelle nationale.

    L'Exemple du Palais de Justice d'Alès

    L'analyse d'un exemple concret, le chantier du palais de justice d'Alès, permet d'appréhender les mécanismes de production architecturale. Lorsque la ville, chef-lieu d'arrondissement dans le Gard, a obtenu cette position administrative, les premières réponses pour loger les services publics ont consisté à réutiliser des édifices de l'Ancien Régime, souvent d'anciens biens du clergé ou de l'aristocratie, une pratique courante même dans les grandes villes.

    Réclamations et proposition d'un nouveau projet

    Les locaux réaménagés, comme la maison de la Providence utilisée à Alès, ne satisfaisaient pas les magistrats en raison de leur exiguïté et de l'éloignement de la maison d'arrêt, installée dans un fort du XVIIe siècle, ce qui compliquait les transferts de détenus. En 1858, la municipalité s'engagea à financer l'acquisition des terrains pour un nouveau bâtiment, cherchant à intégrer ce projet dans des discussions d'urbanisme préexistantes, comme le percement d'une place et d'un boulevard.

    Ville / Projet
    Coût Estimé (Francs)
    Palais de Justice d'Alès (1858, 1er projet)
    166 500
    Palais de Justice de Bordeaux (achevé 1846)
    760 000 (initial) à plus de 2 000 000 (final)

    Le rejet du premier projet de Moncimes

    Le premier projet dressé par l'architecte départemental Antoine Moncimes en 1858 fut rejeté par le Conseil général des bâtiments civils. L'argument principal portait sur une ambition jugée excessive, notamment concernant la richesse de l'ordonnancement du porche d'entrée. Le reproche majeur concernait cependant le style, jugé incohérent : le porche, avec son fronton triangulaire, était perçu comme un simple placage articulé de manière fallacieuse sur une façade simple, une « architecture de mensonge » inacceptable pour les instances de contrôle.

    La Question de la Qualité Architecturale et des Acteurs

    La désignation des architectes pour les chantiers provinciaux relevait souvent de critères arbitraires ou de recommandations, la profession étant peu réglementée avant 1867. L'appellation « architecte » pouvait désigner un ingénieur des ponts et chaussées ou un entrepreneur. Bien que les ingénieurs, formés de manière rationaliste, aient parfois produit des réponses solides, la qualité n'était pas toujours garantie par le service départemental d'architecture, ce qui motivait parfois le recours à des architectes extérieurs.

    Le cas de Théodore Cariat à Aurillac

    À Aurillac, Théodore Cariat, non issu de la formation des Beaux-Arts mais cumulant les fonctions d'architecte du département du Cantal et d'architecte diocésain, réalisa le nouveau palais de justice, la gendarmerie et la prison au milieu du siècle. Un avis de l'inspecteur général Léonce Reynaud en 1853 jugeait sévèrement une de ses œuvres, une caserne de gendarmerie, notant que ses constructions n'avaient « pas la moindre importance du point de vue de l'art ».

    « La seule de ses œuvres dont j'ai pu prendre connaissance est une caserne de gendarmerie actuellement en construction à Aurillac et je dois dire qu'elle n'est pas de nature à donner une très haute opinion à son goût en architecture. »

    Le remplacement à Alès par un architecte formé

    Après le décès de Moncimes en 1860, Eugène Laval, élève des Beaux-Arts et de Lecœur, prit la succession. Laval, qui avait déjà acquis une forte notoriété, notamment pour la ville de Vincennes, reprit le projet d'Alès. Curieusement, le projet final construit entre 1861 et 1864 pour 190 000 francs se dépouilla de son caractère initial, le porche à colonnes disparaissant au profit d'un portail à peine marqué, vidant le projet approuvé de sa substance symbolique.

    Typologies Spécifiques : Théâtres et Bâtiments Utilitaires

    L'examen d'autres programmes révèle la diversité des réponses architecturales provinciales. Les théâtres, souvent considérés comme des productions antérieures au poids lourd de l'Opéra Garnier, offrent de beaux exemples. Le théâtre de Béziers (1842-1844), initié par David d'Angers, présente un style classique avec des bas-reliefs polychromes évoquant la tragédie et la comédie antiques. À Sète, construit entre 1896 et 1904, le théâtre Molière témoigne d'une expression plus tardive, influencée par le modèle parisien de Montpellier.

    L'architecture industrielle et utilitaire

    • Les gendarmeries, dont le programme était très surveillé par les ministères, présentaient parfois des formes modestes.
    • Les abattoirs, souvent détruits, comme celui de Fontenay-le-Comte, présentaient des plans répondant aux normes d'éloignement des lieux d'abattage.
    • Les haras nationaux, comme ceux d'Aurillac (dès 1819), affichaient un côté pittoresque avec l'usage de la brique et de l'ardoise.
    • L'entrepôt public des sucres à Dunkerque (1897-1898) illustre l'adoption précoce de structures porteuses en béton selon les procédés Hannebique.

    L'exemple des gares ferroviaires montre une tentative de rationalisation par les compagnies, comme le PLM, qui proposait des modèles de base modulables selon l'importance de la ville, bien que des exceptions notables existent, comme la gare de Nîmes demandée par Paulin Talabot dans les années 1840, inspirée des modèles anglais en briques et pierres.

    Normalisation et Conclusion sur la Logique de Nécessité

    Face à cette diversité et à la multiplication des chantiers, l'administration a constamment cherché à normaliser la production par l'édition de recueils de modèles et de plans types, un système maîtrisé notamment par les compagnies de chemin de fer. Cependant, même les hôtels de ville, reflétant la légitimité communale, présentent une grande variété de réponses, souvent influencées par un chauvinisme local ou des modèles monumentaux comme celui de Laval (1831) par de Gisors, peu adaptés aux petites agglomérations.

    Les programmes inattendus : les arènes tauromachiques

    La production architecturale dans les petites agglomérations permet d'envisager des programmes rares dans les grands centres. Le développement de la tauromachie hispanique dans le Midi à partir du milieu du XIXe siècle, encouragé par l'impératrice Eugénie, a nécessité la construction d'arènes. Celles d'Alès, construction privée confiée à un ancien architecte municipal en 1891, adoptent une forme elliptique rappelant l'amphithéâtre antique, tout en intégrant une influence espagnole.

    « L'architecture publique de ces villes modestes souffre aussi de cette fameuse logique de nécessité puisque l'on a produit pour répondre à des besoins. »

    En conclusion, si quelques réalisations provinciales constituent de belles réussites, la production architecturale publique des petites villes est largement dictée par une logique de nécessité fonctionnelle. Ce contexte diffère radicalement des volontés somptuaires et représentatives observées dans les grands centres urbains. Cette orientation pragmatique fait que ces édifices, souvent dénués de véritable valeur esthétique ou de créativité intrinsèque, ont fréquemment évolué au-delà de leur usage initial et sont aujourd'hui souvent négligés ou en voie de disparition.

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